Le silence s’éternisa. Chrysanthème releva la tête pour constater que son dresseur fixait le ciel, perdu dans ses pensées. Bien qu’elle tentât tout ce qu’elle put pour le ramener à la réalité, tout essai fut infructueux. L’inquiétude luisait dans le regard de la Ptiravi, qui se tourna vers Lycoris, ne sachant pas réellement quoi faire. Chrysanthème était adepte en ce qui concernait la santé de son dresseur, pouvait déceler la moindre de ses faiblesses, savait doser chaque Aromathérapie en fonction de la toux de Gento, de sa fatigue. Mais lorsqu’il était dans cet état… La petite boule rose se retrouvait bien impuissante. On ne lui avait jamais appris comment réagir dans ce genre de situation, à l’hôpital.

Lycoris resta silencieuse, ses yeux morts fixés vers Gento. Puis, elle tourna son regard vers l’entrée de la grotte, où, elle le savait, se trouvait l’arbre souterrain où elle avait rencontré le diplomate pour la première fois.

Sans prévenir, elle prit son bras dans sa mâchoire et serra. Fort.

Cela eut au moins pour effet de sortir l’homme de sa transe, alors qu’il retirait violemment son bras de la gueule de la jument. « Mais qu’est-ce que tu fais ?! » s’écria Gento, soudainement alarmé par le comportement de Lycoris, qui ne s’était jamais montrée agressive envers lui. Une sueur froide coula doucement sur son front – ou peut-être était-ce la pluie glacée. Le visage de la Galopa était bien trop près de lui à son goût. S’il n’était pas sorti de sa torpeur, aurait-elle tenté de le dévorer ? Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer cette gigantesque gueule se refermer sur sa gorge, l’étouffant, l’entraînant vers les ténèbres.

Gento détourna le regard. D’une main tremblante, il voulut saisir la Pokéball de Lycoris pour l’y enfermer ; la sortir de sa vue, en être débarrassé. Mais le mouvement mourut dans l’air, le diplomate ne parvenant pas à s’y résoudre. A la fois suffisamment rationnel pour se dire que les Galopa ne mangeaient pas les humains, et que Lycoris n’avait aucune raison d’avoir les intentions qu’il lui prêtait. A la fois suffisamment irrationnel pour se dire que s’il tentait quoi que ce soit, cette silhouette aux yeux d’un bleu froid et menaçant profiterait de cet unique instant de vulnérabilité pour fondre sur lui.
Un status quo.

Gento soupira, et fit signe à Lycoris d’aller sous un autre arbre. Cette dernière, d’abord immobile, finit par tourner les sabots dans un silence presque effrayant. A cet instant, le diplomate aurait presque préféré qu’elle lui fasse un caprice, qu’elle refuse, qu’elle le traîne à la maison avec un air hautain, ravie que son dresseur comprenne enfin qu’elle avait eu raison, plus tôt.
Mais Lycoris n’en fit rien. Elle se contenta d’obéir, le claquement de ses sabots noyés par la pluie battante.

Ce ne fut qu’une fois la jument suffisamment éloignée que Gento put reprendre son souffle, réalisant alors qu’il retenait sa respiration depuis le début. Il fut pris d’une quinte de toux terrible, amplifiée par l’humidité de l’air. Aussitôt, Chrysanthème sortir elle-même du brouillard qu’avait été toute cette scène pour elle ; elle s’affaira immédiatement auprès de son dresseur, déployant un Aromathérapie pour l’aider à reprendre son souffle.

Plus loin, Lycoris se retourna en entendant le diplomate tousser. Ce dernier ne la remarqua pas, accroché à Chrysanthème comme à une bouée de sauvetage. Elle observa quelques instants, puis leva la tête vers le ciel.

Pas la moindre trace du soleil à l’horizon.