Toujours assis, le diplomate laissa la jeune femme commencer à s’exprimer. Lorsqu’elle lui demanda de taire son nom si jamais il devait répéter l’information à autrui. Sans hésiter une seule seconde, Gento le lui promit. Il n’avait pas dévoilé l’identité de ses sources à Masao, de crainte de les mettre en danger vis-à-vis de l’Empire. Il ne révélerait pas l’identité de Serena à n’importe qui, surtout si cela risquait de faire d’elle une cible également.

Rassurée sur ce point, la mannequin commença à raconter ce qu’elle avait vu ce jour-là. L’homme face à elle l’écouta attentivement, sans l’interrompre du début à la fin. Il l’écouta parler d’un Zoroark corrompu par une aura obscure, attaquant les personnes présentes sur la scène, avant que des portails n’apparaissent, infestés de Gambex tous aussi agressifs. A la façon dont s’exprimait Serena, il fut plus qu’évident aux yeux de Gento que de nombreuses personnes avaient été blessées – voire pire – ce jour-là. Il ne dit rien, le regard toujours rivé sur son interlocutrice. Jusque-là, ce qu’elle avait vu était en accord avec ce que lui-même avait pu vivre dans les rues de Castra Nicia, où les passants avaient été attaqués par des Rattatas et des Skittys rendus agressifs par cette même aura obscure qu’elle décrivait.

Mais Serena avoua ensuite avoir traversé le portail. Gento arqua un sourcil, non pas par doute, mais bien par curiosité. Il ne lui avait jamais traversé l’esprit que si les Pokémon pouvaient les traverser, alors les humains le pouvaient également. C’est en redoublant d’attention que le diplomate se concentra sur la suite. Sur l’étrange monde qui se trouvait de l’autre côté, et sur la voix qu’avait entendue la mannequin… La voix d’Arceus ? Cela ne pouvait pas être réel. S’il ne pensait pas, à la façon douloureuse dont Serena s’exprimait, qu’elle mentait, sûrement était-ce une erreur ; un défaut d’interprétation. Le dieu des Pokémon – le même dieu que vénérait Madison – cela ne pouvait simplement pas être réel. Pour un homme aussi factuel que Gento, cette voix était au mieux interprétée à tort pour la divinité, au pire se faisait passer pour elle.

Le diplomate remarqua que Serena semblait omettre beaucoup de détails, soit par méconnaissance de la situation, soit par volonté de le faire – l’identité des personnes présentes, notamment celle qui avait identifié la voix comme celle d’Arceus. Il ne releva pas, préférant laisser la jeune femme terminer son récit. Lorsqu’elle entra dans le détail de ce qu’était réellement la Menace Obscure, Gento réalisa à quel point elle en savait beaucoup plus que ce qu’elle laissait paraître au départ, et il ne regrettait pas d’avoir insisté. Tout comme il se sentait d’un seul coup minuscule face à la grandeur de l’univers, face aux desseins de ces « divinités », et face à la nature. Face à tout ceci, que pouvait-il faire, lui, Homme ?

Un choix avait été laissé. Et certains avaient choisi de s’y soumettre.
Mais pas Serena.

Au final, l’attaque avait repris, avec les nouveaux alliés de la Menace Obscure, et quant à la conclusion… Le flou laissé à la fin fit froncer les sourcils du diplomate, qui ne sut quoi en penser.

Mais Gento ne pouvait pas ignorer les yeux douloureusement fermés de la jeune femme, sa Gardevoir envoyant des ondes apaisantes à sa dresseuse pour l’aider à se calmer. Le souffle court de Serena alors qu’elle racontait ce qu’elle avait vu. Ces visions d’horreur se reflétaient presque dans son regard à travers ses mots. Le diplomate restait silencieux.

« ... à… alors ? Folle ou pas ? » Un sourire amer se dessina sur les lèvres de la femme au cœur endolori par l’expérience. Il était facile de voir à quel point raconter toute cette épreuve avait été douloureux. D’un geste très lent, l’homme se releva. La réponse fut des plus simples. « Non. » Il avait ses propres opinions sur le sujet, n’était pas forcément en mesure de croire tout ce qu’elle disait – notamment cette soi-disant rencontre avec le Divin. Toutefois, il ne considérait pas ça comme acte de folie, purement comme simple méprise. Serena, tout comme lui, n’avait sûrement pas toutes les réponses – ou les lui taisait intentionnellement pour le moment.

Il s’approcha d’un pas, fixant légèrement la Gardevoir, s’assurant qu’elle ne prenait pas cet acte comme une tentative de menace. « Merci infiniment. » Un autre pas. « Je suis sincèrement désolé. Que vous ayez eu à vivre ça. » Personne ne devait vivre une telle chose. Et le diplomate aurait donné cher pour que la situation puisse être autre que ce qu’elle était réellement. « J’aurais encore une infinité de questions, mais je me doute que c’est un sujet très délicat à aborder. Veuillez me pardonner mon indélicatesse. » S’il avait ne serait-ce envisagé que les choses avaient été ainsi, il aurait définitivement fait plus d’efforts pour aborder la jeune femme.

Un petit piaillement le força à se tourner vers le sol. Mélofée était aux pieds de Serena, lui lançant un regard inquiet. Complètement pris dans son angoisse initiale, puis dans ses négociations avec la mannequin, Gento avait complètement oublié sa présence. Elle était partie explorer les bois à son arrivée. Il ignorait depuis combien de temps elle était restée à écouter le récit de Serena. Mais son expression attristée alors qu’elle câlinait la jambe de la dresseuse laissait penser qu’elle en avait entendu l’essentiel. Le diplomate soupira.

S’il pouvait ignorer Elphelt, il pouvait ignorer une Gardevoir.

D’un pas relativement lent, il raccourcit la distance qui le séparait de Serena avant de tout simplement lui-même la serrer dans ses bras, touché par le récit. Il ne pouvait pas avoir la moindre idée de ce qu’elle avait pu traverser. Et il ne se rendrait compte que plus tard à quel point cet acte rendait la situation encore plus compliquée qu’elle ne l’était déjà. Mais à l’heure actuelle, il se contentait d’être sincère avec lui-même. Avec Serena.

Il ne pouvait pas exprimer ce genre de choses avec des mots.

La Mélofée, galvanisée par l’acte de l’humain, se serra encore plus à la jambe de Serena, si bien qu’elle finit presque immobilisée par ces étreintes successives. Heureusement pour elle, Gento la lâcha bien vite, ne souhaitant pas éterniser la chose. Il toussota légèrement, gêné. « Excusez-moi, dit-il, c’était inapproprié. » Mais il ne le regrettait pas.