Le mur dressé par Chrysanthème tint bon, l’espace de quelques instants. Mais il vola en éclats sous la fureur du Draco, qu’Eridu peinait à maintenir en place. L’air humide sentait le feu et les cendres fumantes des ouvrages réduits en poussière emplissaient l’air, faisant tousser Gento, qui avait déjà du mal à respirer. Cynthia attrapa la manche de son ami, se plaçant devant lui en jurant – chose qu’il n’avait que rarement entendu la jeune femme faire. « Ridu, prends son attention ! » Le Lucario comprit immédiatement sa tâche, concentrant son aura dans ses paumes, créant un vortex qui souffla la poussière et attirait inexorablement le dragon dans l’œil du cyclone. D’un grognement, il fit signe à Carnation, qui fonça vers le serpent immaculé. Elle mordit violemment la cuirasse du Draco, mais ses crocs crissèrent contre les écailles, alors que la queue du serpent s’enveloppait d’eau pour balayer les deux gêneurs qui se présentaient à lui.

La créature tourna son regard vers les deux humains.

Disparus.

Cynthia avait poussé Gento derrière un rayon de la bibliothèque, leur permettant de gagner un temps précieux dans cette bataille. « T’as pas menti, il veut ta mort. Tu lui as fait quoi ? » Gento secoua la tête, signifiant sa propre incompréhension, alors que la championne de Carteia dévoilait brièvement leur position à l’ennemi, ordonnant à Eridu un Poing glace. Le Lucario frappa à plusieurs reprises le Draco, dont le corps se mit à geler par endroits, les grognements de frustration montant tel un chant à travers toute la bibliothèque. « Rien de cassé ? On peut le battre, c’est certain mais il y a quelque chose qui cloche, reprit Cynthia, de nouveau concentrée sur leur conversation, ce comportement n’a rien de naturel. C’est probablement lié à ton arbre. Il faut qu’on t’y amène. Eridu peut traverser la pièce en un rien de temps mais Carnation va devoir tenir face au Draco. » Gento lança un regard inquiet à sa Libégon, qui avait pris deux sérieux coups. Il acquiesça toutefois, et plaça la Pokéball de Lycoris entre les mains de Cynthia. « Je garde Asphodèle avec moi au cas-où, mais n’hésite pas à la libérer si la confrontation tourne mal. » Lycoris était un de ses Pokémon les plus forts. Elle n’aurait pas l’avantage de la mobilité, dans un tel milieu, mais…

… Mais elle chercherait à incinérer la bête jusqu’à la mort.

La Terraiste de la championne sol apparut à son tour, son corps flasque remuant sur le sol, son sourire benêt sur le visage. « Je vais tout faire pour le ralentir, promit la jeune femme, fais ta magie mon ami ! Lerne, avec moi, Piège de Roc, Bâillement ! » Elle quitta ainsi la couverture des étagères pour reparaître à la vue du Draco, sifflant entre ses doigts pour attirer Eridu, qui arriva au pas de course, après avoir déstabilisé le serpent immaculé, dont la frustration grandissait, et grandissait encore, alors que ses yeux semblaient luire d’un bleu intense. Alors qu’Eridu avait le dos tourné, le dragon projeta une salve de flammes, qui fut contrée par un mur de roche dressé par la Terraiste, avant que sa voix grave n’atteigne l’agresseur, qui secoua la tête, les yeux lourds, résistant à la soudaine pulsion de s’effondrer.

« Prends Kouya, amène-le à l’arbre ! On gère ! » dit Cynthia à son Lucario, avant que ce dernier ne se tourne vers Gento. D’un seul mouvement, il le saisit par les épaules et l’arrière des genoux, le portant dans ses bras avant de foncer sans se retourner en direction de l’arbre. Le diplomate n’eut pas le temps de protester que sa complainte fut perdue dans une quinte de toux lorsqu’Eridu partit en Vitesse Extrême, filant à travers les rayons de la bibliothèque en ruines.

Au-dessus d’eux, un nuage se formait.

D’abord la pluie, qui, à l’intérieur des ruines, paraissait pouvoir les engloutir sous les flots par sa virulence. Quelques éclairs solitaires se mirent à gronder dans le faux ciel créé par la Danse pluie de la créature.

A moins que…

Une onde de choc fit trembler les étagères, déstabilisant Eridu quelques instants dans sa course. Comme si quelque chose, en ce bas-monde, venait de se briser, de s’éteindre. Une déchirure dans un voile blanc de soie.

La Colère grondait.

Des salves d’énergie draconiques se mirent à fuser dans tous les sens, alors que d’un coup de queue, la Draco brisa le mur de roches érigé par Lerne, menaçant d’emporter la Terraiste dans son attaque. La créature lança un regard furieux en direction de Cynthia, canalisa les flammes dans sa gueule avant de noyer l’entièreté des étagères dans un torrent de feu. Les lames d’énergie projetées par l’ire du serpent faisaient fondre nombre d’ouvrages précieux, roussissaient la roche humide des parois du plafond, commençaient à évaporer l’eau qui s’abattait sur eux tous en une pluie torrentielle.

Il avait perdu la raison, mais Eridu continuait de foncer. Il esquivait les boules d’énergie qui, absorbées par le gigantesque nuage au-dessus de leur tête, retombait en un Draco-météore furieux, rugissant à chaque impact, menaçant de stopper la course du Lucario, signant la fin de l’humain qu’il tenait dans les bras de manière maladroite. S’il trébuchait à ce moment-là, cela en serait fini d’eux ; alors Eridu utilisait tous ses sens, son aura, pour se guider, éviter le moindre faux pas, prenant parfois le risque d’utiliser un météore comme un tremplin pour foncer vers l’arbre, si cela lui permettait d’esquiver les salves projetées à travers toute la pièce par le dragon.

La fin du monde n’aurait pas été plus convaincante que cette démonstration de force.

Au milieu de la pluie battante, le silence se fit, alors qu’Eridu arrivait enfin au niveau des racines de l’arbre, laissant enfin son passager tituber sur ses propres pieds. Le Lucario se dressa aux aguets, prêt à défendre Gento de la moindre attaque.

Le Draco se stoppa. Les météores cessèrent de hurler, et son regard, jusqu’alors posé sur Cynthia, se tourna, dans un geste lent de contorsion de son corps entier, vers Gento, au pied de l’arbre. Ce dernier observait le tronc, approchait pour poser sa main sur l’écorce, ne sachant pas réellement ce qu’il devait faire une fois au pied de l’immense végétal, cherchant la clé, détachant doucement ses cheveux qui cascadèrent librement sur ses épaules alors qu’il saisissait le bois aux cristaux lumineux.

L’air vrombit.

Ultralaser.