Alors là ce satané Basile... Comment ça on ne peut pas inviter de gens à venir nous voir ?! Plus facile pour une première fois mon oeil. S'ils avaient peur de la foule il ne fallait pas aller dans la coordination ! C'est quoi cette excuse de faibles ! Laissez ma famille et mes amis entrer !! Moi, furieuse ? Bah oui ! Depuis le temps que je me prépare pour ce moment, que j'en parle avec tous les gens autour de moi et que ça se bouscule pour venir me voir... Et je ne peux même pas leur partager le fruit de mon dur labeur ! Le mieux que j'ai obtenu c'est la promesse que mes numéros seraient filmés et que, par la suite, on me remettrait les enregistrements. C'est stu-pi-de ! Et c'est le moment fatidique où je prends une décision. Lorsque j'aurai mes cinq rubans, que je serai une coordinatrice confirmée, je vais revenir ici et défier ce gentil garçon trop mou et lui voler son Opéra ! Et ce sera salle comble tous les soirs, même si je dois payer des figurants pour venir assister à des représentations auxquelles ils n'ont pas du tout envie d'assister. Rien à faire ! C'est pour envoyer un messaaaaage !!

Avant ça, néanmoins, je dois déjà remporter mon premier ruban, pas vrai ? Au moins maintenant je suis certaine que la motivation n'est plus un problème. Si j'avais des doutes, des hésitations, c'est une histoire personnelle à présent. Je ne suis pas ici pour vaincre mes quatre opposants, mais bien pour tirer mon épingle du jeu et montrer à Basile qu'il a des raisons de s'inquiéter. Cet Opéra sera le mien et je compte bien livrer une performance digne d'un tel rang et ce malgré qu'il s'agisse de mon premier concours. Je vais viser... les étoiles !! Encore heureux d'ailleurs puisque c'est justement le thème de ce premier tour. Les ordres sont tirés et je passe en second. Pas nécessairement l'idéal, mais il faut savoir s'adapter dans le show business.

La première chose que je fais une fois à l'arrière de la scène c'est mon chignon de ballerine. Après douze longues années de pratique, c'est le genre de chose qui ne s'oublie pas et qui, normalement, devrait s'adapter à toutes mes performances de la soirée. Je rajoute d'ailleurs un noeud papillon bleu nuit un peu las pour accessoiriser ma coiffure et ne pas donner l'impression d'un banal chignon fait à la va-vite. J'en profite pour faire quelques retouches à mon maquillage de spectacle, que j'avais fait avant d'arriver sur place pour prendre de l'avance, tout en gardant un oeil sur les préparatifs de mes pokémons. Circée porte à son cou un grand noeud papillon las, du même tissu que le mien qui tombe devant son poitrail avec élégance. Elle est occupée à aider Shiva à mettre le sien, assorti encore une fois aux nôtres. La seule exception c'est Themis qui, malheureusement, n'a pas vraiment de cou auquel attacher quoi que ce soit. Alors, à la place, je lui ai préparé un genre de ceinture de smoking avec une petite boucle à l'arrière, comme ça il s'harmonise avec nous quand même. Je mets d'ailleurs les dernières touches au maquillage de mes camarades. Les couleurs se veulent neutres, histoire de pouvoir s'agencer avec les autres couleur de ruban que j'ai prévues juste au cas où, pour nous agencer au thème qui sortira en second, puis en troisième, et en quatrième... Oui bon vaut mieux se concentrer sur le premier quand même sinon je vais être submergée par tout ce qu'il reste à faire. Surtout que je dois aussi enfiler mon propre costume. Le haut, par-dessus mon maillot de danse, est une redingote noire sertie de détails dorés dont le devant tombe juste assez bas pour me faire une jupe courte. La traîne, à l'arrière, tombe jusqu'à mes genoux en pans rebondis qui devraient avoir un joli effet pendant que je danse. Mes jambes, quant à elles, retrouvent sans mal le confort d'une paire de collants de danse, comme au bon vieux temps. Les pieds ? Alors là, c'est mon arme secrète ! Pour le premier numéro en tout cas. Enfin, ça et mon parapluie, entièrement noir, que je ne dois surtout pas oublier.

Je crois qu'entre-temps le premier numéro vient de se terminer. Difficile à savoir pour sûr vu que, à cause des politiques stupides de Basile, il n'y a personne pour applaudir ! Sel à part, ma petite équipe et moi-même nous dirigeons vers la scène, attendant néanmoins la confirmation de l'équipe technique avant de lancer quoi que ce soit. Après avoir reçu le ok, mon trio va se placer au fond de la scène, sur un petit endroit surélevé d'où ils pourront lancer leurs attaques bien en vue du public sans pour autant être en travers de mon numéro. Je reste pour ma part cachée derrière les rideaux, parapluie fermé, appuyé contre l'épaule. C'est l'heure d'invoquer mon Gene Kelly intérieur, de m'accrocher un joli sourire au visage et de faire danser un peu mes épaules pour évacuer ce qu'il me reste de tension. La musique commence et c'est mon signal pour me lancer, avançant d'un pas détendu, musical, en bougeant la tête avec la chanson alors que je me dirige vers le centre de la scène, l'air de rien.


« ♪ Doo-dloo-doo-doo, Doo-dloo-doo-doo... ♫ »

C'est le début de la mise en scène. Se tenant au centre du trio, Circée, ma goupelin, se concentre afin de lancer une Ball'Ombre en l'air. Mais pas n'importe laquelle, non. Elle devra la maintenir pendant tout notre numéro en y ajoutant des utilisations subséquentes de sa capacité. C'est essentiel puisque ce grand nuage sombre qui prend en volume au-dessus de la scène sera mon ciel. Sombre, inquiétant peut-être. Mais il ne l'est que jusqu'à l'intervention de Shiva, mon évoli, qui a elle aussi un rôle crucial dans cette représentation. Ma partenaire de longue date fait onduler sa longue queue touffue et lance l'attaque météores, droit dans le ciel dessiné par l'autre renarde. C'est ainsi qu'une myriade d'étoiles sont accrochées au ciel, brillant de mille feux sous les projecteurs alors qu'en dessous je commence à danser au rythme de la musique. Mes souliers à claquette donnent la mesure alors que je continue à sourire avec l'innocence des gens si heureux qu'il dansent sous la pluie.

« ♪ I'm singing in the night, just singing in the night ! What a glorious feelin', I'm happy again ! ♫ »

Je ne suis pas une chanteuse, c'est plutôt le domaine de ma mère ça. Mais j'ose espérer que cet aspect de la performance sera assez convaincant malgré tout. Surtout que cette pièce parle d'exprimer son bonheur, surtout après avoir eu un succès amoureux. Un succès amoureux... Est-ce le mauvais moment pour penser à Liam ? Non, je ne crois pas. C'est même l'instant parfait pour me remémorer nos petites bêtises, nos aventures joyeuses, nos coeurs qui battaient un peu plus fort dans l'anticipation d'une romance qui renaissait doucement. Qui fleurissait comme mon sourire, mes joues qui se rosaient.

« ♪ I'm laughing at clouds, so dark up above ! The stars in my heart and I'm ready for love ! ♫ »

Voilà le signal pour Themis, le dernier membre de mon petit trio qui doit encore apporter sa pierre à l'édifice. C'est fontaine de vie qu'il exécute et, là encore, qu'il devra refaire encore et encore pour que l'effet tienne sur la durée. Sans doute est-ce une mauvaise idée de commencer par un numéro aussi demandant, surtout pour le petit oeuf, mais c'est comme ça. On avisera plus tard, dans les prochains rounds. Pour l'heure il se met à pleuvoir en intérieur, créant un spectacle surréaliste, magnifique. L'eau se formait d'abord dans le nuage formé par la goupelin, se gorgeant de noirceur et d'étoiles lancées là par mon évoli avant de retomber en pluie sombre, porteuse d'une multitude de points lumineux dorés : les météores. Nous avions créé une averse de nuit au sens le plus littéral possible du terme. Je ne dansais plus sous la pluie, je dansais sous les étoiles.

« ♪ Let the stormy clouds chase everyone from the place ! Come on with the night, I've a smile on my face ! ♫ »

J'ouvre mon parapluie tout en continuant à danser et l'averse se déverse sur la toile noire que je fais tourner, envoyant des morceaux d'étoiles tout autour de moi. Mes souliers claquent joyeusement et, quand la chorégraphie le demande, j'allonge le bras, laisse l'eau me tomber dessus. La fraîcheur m'arrache un petit rire de surprise qui, en fin de compte, s'intègre plutôt bien à l'ambiance de mon numéro. Mieux encore, les étoiles dans la pluie s'accrochent au tissu de ma redingote et, peu à peu, on dirait que je me pare du ciel de nuit au fur et à mesure que mon numéro continue d'évoluer, que je continue à tourner, à taper le sol des pieds et à sourire.

« ♪ I walk down the lane, with a happy refrain ! Just singin', singin' in the night ! ♫ »

C'est le break musical ! C'est le moment de me déchaîner, de me défouler pour la caméra puisque je ne peux pas le faire pour le public qui m'attend de l'autre côté des portes de l'Opéra. Je referme le parapluie, me lance dans une série de jeu de pieds adroits, rythmés. Ils ont l'air sans effort, joueurs. Exactement comme ils doivent l'être. Je fais tourner l'ombrelle devant moi, me déplace vers la gauche, puis vers la droite en sautillant sous ma pluie artificielle. Je pousse le jeu jusqu'à taper le bout du parapluie du pied, le propulsant en l'air où il décrit un bel arc de cercle en harmonie avec une envolée dans la musique avant que je ne le rattrape par la poignée pour mieux enchaîner en continuant de danser. Je suis toute mouillée à présent, mais ça fait partie du spectacle. On arrive dans la partie forte du numéro, celle où je me retrouve à gambader, à courir et à sauter d'un bord puis de l'autre, le parapluie grand ouvert, couvert d'eau noircie chargée d'étoiles. Je prends finalement la pose lorsque la musique culmine, grand sourire sur le visage, bras grand ouverts. C'est le moment où la pluie se calme, où mes pokémons descendent de leur petit estrade pour venir me rejoindre dans la petite flaque que nous avons formée pour y sauter doucement. Je prends les petites mains de mon togepi dans les miennes pour l'aider à sauter plus haut et, pour accompagner le dernier petit bout de musique, plus doux...

« ♪ We're dancing... and singin'.... in the night ! ♫ »

Et on quitte la scène sans briser nos rôles, avançant ensemble avec la douce bonne humeur de ceux qui sont soulagés d'avoir terminé leur numéro. Espérons que ça rende bien à la caméra parce que, pour le coup, je dois admettre être fière de moi !