C'est vrai, les gens peuvent changer d'avis. Certains le font en tout cas, c'est courant. Mais il se trouve que ces certaines personnes ne sont pas des membres de la famille Slater. Mon père, et mon frère aussi avouons le, sont des têtes de mules. Ils sont si têtus, si entêtés, que rien ni personne ne peut les faire changer d'avis lorsqu'ils ont une idée en tête. Ils préfèrent avoir tort et se vautrer plutôt que d'avouer qu'ils ont eu tort. Que de modifier leurs plans ou leur itinéraire. Mais ça Ardelya ne le sait pas. Elle ne les connait pas. Alors elle se montre encourageante, continue de vivre d'espoir et d'eau fraîche comme si nous étions dans l'un de ces films qui sortent directement sur dvd et qui passent les après-midi à la télé. Ceux où une jeune ado un peu rebelle, mais en vrai pas tant que ça, défie l'autorité familiale pour aller faire des compétitions avec son ponyta, remporter des trophées et ensuite raviver la passion que son père portait jadis pour les pokémons. Ça me rappelle qu'Ardelya est plus jeune que moi, plus naïve sans doute. Qu'elle croit encore que tout est possible. Je n'ai pas le coeur à briser ses rêves alors je me force à sourire en l'écoutant jusqu'à la fin.

« J'avoue, sans doute que de voir ma représentation le fera changer d'avis ! »

J'ai le coeur qui se serre. Je sais qu'il ne viendra pas, qu'il n'assistera pas à mon numéro. Ni à celui ci, ni à aucun autre. Il n'a jamais eu le temps pour ça, pas pour moi. Si j'avais été mon frère ce serait différent, mais je ne le suis pas. Et je n'ai plus envie d'en parler. Pas maintenant, pas avec elle. Ça va me faire déprimer et je n'en ai pas envie. À la limite je préférerais encore prendre la porte de sortie qui m'est offerte et discuter de Liam, mais cette voie se ferme presque aussi vite qu'elle ne s'est présentée. Ça n'intéresse pas Ardelya finalement. Ça doit bien être la seule personne de mon entourage qui ne s'amuse pas à me taquiner à chaque mention du violet. Ce n'est pas plus mal, ça me fait une petite pause au moins, mais quand même. Pour le coup je ne sais pas sur quoi rebondir et la suite offerte par la ranger en devenir me laisse perplexe. Mais... Je venais de dire que c'était pour moi une victoire qu'autant de gens viennent me voir. Ça ne me stresse pas du tout, c'est ce que je veux, ce que je désire. Peut-être que je l'ai mal exprimé ? Devrais-je la corriger ? Je me sens mal, j'ai de plus en plus l'impression qu'on ne se comprend pas. Que même si je suis contente de l'inviter, c'était définitivement une erreur de confier mes inquiétudes à quelqu'un de plus jeune. On ne m'y prendra pas une seconde fois.

« Ah désolé, j'ai du mal m'exprimer en fait ! J'aime beaucoup performer alors... Pour moi qu'ils viennent tous me voir c'est un honneur, ça me fait plaisir. Les performances, la scène, c'est une façon pour moi d'exprimer les choses que je n'arrive pas à communiquer autrement. C'est une façon pour moi d'extérioriser et de me faire comprendre, de me faire écouter. Alors si les gens qui comptent pour moi sont là pour le faire je n'en suis que plus heureuse. »

Ce qui me fait d'ailleurs penser, ce qui me donne une idée. Je cherchais une opportunité de retourner la conversation pour que l'on parle de la petite brune plutôt que de moi. Ça me gêne d'être sous les feux des projecteurs de la conversation aussi longtemps. J'ai l'impression que notre dialogue est à sens unique, que l'on a déjà passé trop de temps sur moi. J'ai envie de parler d'elle aussi un peu.

« Du coup si tu aimes mes numéros à l'Opéra je t'apprendrai si tu veux. Toi aussi tu as du mal à bien communiquer ce que tu ressens et les choses auxquelles tu penses, pas vrai ? Ça pourrait te faire du bien d'avoir une façon d'extérioriser les choses et d'exprimer tes sentiments, via l'art du spectacle. »

Sinon je l'imagine bien faire du dessin, ou genre de la peinture ou de la photographie. Peut-être même jouer de la flute ou un truc comme ça. Mais c'est quand même moins fun que les spectacles de coordination, pas vrai ?