Les activités ont changé à cause de la guerre civile. Non. Il y a eu des attentats terroristes, certes, mais ce n'est pas une guerre civile. Nous en sommes encore très loin. Sauf que cela Bruce ne s'en rend pas compte, qu'il croirait sans doute que c'est moi qui suis dans le déni. Il continue de dire que, selon lui, ce n'est pas la cause du problème. Je veux bien le croire. Je veux bien garder l'esprit ouvert et rester à l'affut d'autre chose, mais le fait est que le syndrome de stress post-traumatique fonctionne d'une certaine façon. Qu'il y a des méthodes qui ont fait leurs preuves et des tonnes de recherches scientifiques documentées et ensuite approuvées par des pairs qui ne mentent pas. C'est la base et, s'il était disposé à ce que nous traitions ce problème, il deviendrait plus facile de trouver cet autre soucis qu'il pensait avoir alors que les symptômes de stress post-traumatique seraient diminués pour ne laisser que ceux causés par cette autre problématique. Oui, il ne serait pas venu s'il ne voulait pas faire de thérapie, c'est un fait. Puis il continue de vouloir chercher et ça me brise le coeur. Clairement il a besoin d'aide. Clairement il pensait que je pourrais l'aider. Je regrette mon prognostique ou, à tout le moins, de l'avoir dit à haute voix.

« Écoutez... Rien ne vous empêche de revenir. Nous pouvons débuter un travail de thérapie par la conversation pour chercher ensemble les autres problématiques éventuelles qui pourraient se cacher derrière votre syndrome de stress post-traumatique. Simplement je crains que sans des changements réels à votre mode de vie vos progrès seront limités et qu'il sera plus difficile de séparer ce qui est causé par votre ptsd de ce qui est causé par cet autre problème que vous désirez identifier. »

Peut-être est-il trop tard pour cette précision, je l'ignore. C'est vrai que l'heure touche à sa fin, qu'il se prépare à partir. Ce n'est pas moi qui gère les paiements habituellement, c'est ma secrétaire. Je réfléchis à la marche à suivre pendant qu'il me souhaite bonne chance, se disant que ce ne sera pas facile pour moi non plus. Oui, la guerre civile, bien sûr. Je m'en demande presque si c'est une bonne idée de le laisser partir. Est-ce qu'il ne serait pas en pleine psychose ? J'ai l'impression de ne pas avoir utilisé cette rencontre à bon escient, d'être passée à côté de certaines choses. C'est que, malgré mes années de pratique, je demeure imparfaite. Mais représente-t-il un danger pour lui-même ou pour autrui ? Je ne pense pas. Mais il a besoin d'être suivi, ça c'est une certitude. Alors je récupère l'enveloppe et décide de raccompagner monsieur Campbell.

« Suivez moi. Ma réceptionniste pourra vous rendre votre monnaie et, en même temps, nous pourrons prendre votre prochain rendez-vous. »

Certes, cela contredit un peu ce que j'ai dit plus tôt, mais je ne suis plus à ça prêt. J'ai simplement envie de faire la bonne chose et de ne pas laisser tomber quelqu'un qui est justement venu me voir pour recevoir de l'aide.