L'air frais de la montagne me fait du bien. Je respire profondément, grelotte doucement, me blottit un peu plus dans mon hoodie. J'en profite pour replacer les sangles de mon sac à dos, jeter un regard vers Shiva. L'évoli s'amuse elle aussi, court un peu partout, s'amuse à sauter d'une pierre à une autre.

« Sois prudente ma belle ! Les pierres pourraient être glissantes. »

Elle glapit, rejoint le sentier en gambadant. Voilà qui est mieux. Il y a longtemps que nous ne sommes pas allées marcher comme ça. Que nous n'avons pas profité de la nature environnante pour partir à l'aventure. Ça doit bien remonter à l'époque de mon service militaire ou à peu près. Même que c'est étrange, lorsque j'y pense sous cet angle, d'être ici toute seule. Il manque Cynthia avec sa voix tonitruante, ses plans géniaux et son excitation à l'idée de trouver des fossiles dans la montagne. Il manque Shaye avec son regard perçant, sa capacité à trouver les chemins là où il n'y en a pas et ses petites blagues bien placées pour relancer celles de sa copine. Et puis, surtout... Je soupire. Il y a certaines choses, ou plutôt certaines personnes, auxquelles il vaut peut-être mieux ne pas penser finalement.

Pourquoi suis-je seulement ici ? Je viens de passer les trois dernières années à me consacrer au droit, aux lois de l'Empire de Maeston et à leur application. Trois longues années pendant lesquelles j'ai mis de côté mes rêves, mes aspirations réelles : la coordination. Quel rapport avec la montagne ? J'espère qu'ici, dans ces monts sauvages, je parvienne à trouver un second partenaire. Pour l'instant je n'ai que Shiva après tout et, si je l'aime beaucoup, nous sommes dans l'obligation d'élargir nos rangs. Tous les champions coordinateurs ont une équipe de trois pokémons et, du coup, c'est le minimum que je vise. Bien sûr, vu la situation financière de mes parents, j'aurais simplement pu leur demander de m'acheter un nouveau compagnon. Ils auraient sans doute accepté sans trop de mal et hop, simple comme bonjour. Mais ça ne m'aurait pas suffit. Je n'en aurais pas été satisfaite. Ils avaient payé mes études, avaient déboursé les frais relatifs à mon déménagement et j'en passe. Pour une fois, juste une, j'avais envie de faire quelque chose par moi-même. De prouver, peut-être, par cette entreprise ridicule et un peu risquée, que j'étais toujours déterminée à faire le nécessaire pour me lancer sérieusement dans la coordination.

Le seul bémol dans tout ça c'est que, pour l'instant, ça se résumait surtout à marcher dans une montagne. J'étais non seulement une fille de ville, mais une fille de riche en plus de ça. Et, même si j'avais passé une année infernal durant mon service, ça remontait à loin la dernière fois que j'avais fait un bain de boue pour autre chose que d'exfolier ma peau. Au moins mes bottes sont confortables et j'ai, en théorie, tout ce dont j'ai besoin dans mon sac à dos. Je nous ai préparé un bon petit repas avant de partir, j'ai une trousse de premiers soins, une paire de bas de rechanges ainsi qu'un pull de rechange, une batterie portative pour mon téléphone cellulaire, des pansements et de quoi purifier de l'eau au besoin. J'avais aussi voulu prévenir quelqu'un avant de partir et avait donc laissé un message à mon frère, Arsène, en sachant qu'il ne le verrait pas toute de suite. Comme ça j'avais bien le temps d'aller me perdre en montagne avant qu'il ne me contacte avec son éternelle inquiétude de grand frère parce que, au moins, j'aurais dû emmener quelqu'un avec moi. Là je lui dirais que j'avais Shiva, donc je n'étais pas toute seule. Ce à quoi il répondrait que ce n'était pas une autre personne, que ça ne comptait pas, et je dirais donc que Reichenbach non plus ne pouvait pas constituer l'intégralité de ses interactions sociales eeeeet.... Victoire. Parce qu'il y a des choses auxquelles je ne laisse personne d'autre gagner !

Dans l'immédiat, ceci dit, il me fallait surtout enjamber quelques roches pour rejoindre ma camarade. Shiva semblait avoir trouvé une piste intéressante ou, à tout le moins, qu'elle avait envie de suive. Peut-être était-ce une odeur ou un bruit que je n'arrivais pas à percevoir ? Au moins je savais pouvoir lui faire confiance et me reposer sur elle si les choses tournaient au vinaigre. Nous avions fait mon service militaire ensemble après tout et, si elle était sans doute aussi rouillée que moi, je n'avais aucune doute que nos capacités de travail d'équipe, elles, n'avaient pu que se fortifier avec le temps. Je lui fis même la courte échelle à un moment donné puisque, malgré son enthousiasme, ses petites pattes avaient leurs limites. Mais nous avancions à bon train ou, au minimum, à un rythme qui me faisait plaisir. Regardant ça et là, j'en oubliais presque le but de ma présence pour simplement profiter du grand air comme d'une promenade de santé, Certes nous croisâmes bien quelques pokémons sauvages, mais ils gardèrent leurs distances et, à dire vrai, je ne me sentais pas nécessairement attirée par eux. Pas qu'ils ne soient pas jolis ou que je ne les pense pas capable de performer dans un spectacle de coordination, loin de là. Simplement... Il m'aurait semblé injuste de les arracher à leur chez eux juste pour ça. Pour qu'ils viennent réaliser mes rêves à moi sans qu'on ne leur ait demandé ce qu'ils désiraient pour leur propre vie. Peut-être que, finalement, ça aurait été une meilleure idée de s'en ternir à la visite d'une animalerie ou d'un refuge plutôt que de laisser mon ego me guider sur un sentier sauvage.

« On devrait sans doute commencer à faire demi-tour... »

Laissais-je entendre, abattue. C'était toutefois sans compter sur ma petite renarde qui, loin d'être aveugle à mes états d'âme, décida de me prouver que j'avais fait la bonne chose. Elle s'ébroua donc avant de partir une fois de plus à la course, sautant de roches en roches. Mais... !

« Shiva ! »

Tant pis, je me retrouve à essayer de la suivre, faisant néanmoins de mon mieux pour être prudente. Mes bottes crissent quelques fois, je me penche pour me préparer à me retenir avec mes mains au besoin, mais ce ne sera finalement pas nécessaire. Lorsque je la rattrape, mon évoli s'est arrêtée devant quelque chose. Une jolie trouvaille qui finalement, vient donner un sens à cette petite expédition. Je lui gratouille le dessus de la tête pour la remercier de nous avoir conduit jusqu'ici, mais quand même !

« La prochaine fois que tu me fais un coup comme ça... pas de poffins pour une semaine ! D'accord... trois jours... Deux mais tu arrêtes avec tes grands yeux ! Erh, t'es bien mon petit bébé toi... Allez, voyons voir ce qu'on a trouvé ! »