Il avait fallu un moment à Darius pour accepter l'aide d'Arsène. Il avait d'ailleurs souligné le poids que sa masse musculaire allait représenter sur les épaules de l'ainé Slater. Sauf qu'il semblait oublier que, lui aussi, avait eu un entraînement militaire. Que lui aussi, était destiné à être soldat. Pour une raison qui lui échappait, le bouclé en avait été vexé. Cette carrière, il l'avait maudite. Il s'était forcé à s'y intéresser, tout cela pour rendre fier son père. Il n'était pas un militaire dans l'âme, mais un musicien. Enfin... il avait été un musicien.

Il venait de promettre à Callie, par son étreinte, qu'il allait se rattraper, et faire des efforts. Il venait de gâcher ces retrouvailles, et en assumait pleinement la responsabilité. Tandis que Darius arrivait enfin à tenir en équilibre sur ses jambes, ou du moins ce qu'il en restait de viable, Arsène réfléchissait à ce qu'il devrait faire. Devait-il rester, et risquer d'aggraver la situation plus qu'il ne l'avait déjà fait? Devait-il les laisser en paix, s'en retourner dans ses appartements, où il ne causerait pas plus de chaos? C'était aussi faire une croix sur cette opportunité qu'il avait de revoir Darius, en savoir plus sur sa disparition. Cela voulait aussi dire abandonner Callie, qui avait expressément confié ses craintes.

Arsène n'avait pas fait cas de la remarque de Darius. Essayait-il de faire de l'humour? Si tel était le cas, il était bien plus mature que pouvait l'être le brun. Lui, jamais n'aurait fait quelconque blague sur ses mains meurtries. En fait, c'était bien tout le contraire. Un simple regard trop insistant, une question trop ciblée, et il partait immédiatement pour fuir tout dialogue. Il avait aussi observé l'absol qui l'accompagnait. Brave, comme pouvait l'être Reichenbach. Était-ce son compagnon d'assistance? Non... Ses actions étaient mûees par une habitude, une répétition, là où Rei suivait un protocole médical strict. Sans le toucher - il avait bien compris qu'un contact physique était dévastateur -, il invitait Darius à rebrousser chemin.

— Retournons à la cuisine, d'accord?

Il laissait leur invité passer le premier. Arsène s'approchait ensuite de Callie, essuyait du bout des doigts une larme tardive de sa joue. Il lui offrait une nouvelle étreinte, cette fois moins précipitée que la précédente. Les deux étaient coincés dans cette boucle infernale. L'ainé voulait garder son mal pour lui et lui seul, s'isolant et fuyant toute aide. Mais la cadette se sentait alors impuissante, ce qui la blessait elle-même. Ce qui, à son tour, atteignait Arsène, le poussant à s'isoler un peu plus pour ne pas la faire souffrir. Il s'en voulait, ne voulait pas être un quelconque poids pour elle. Elle aurait dû lui raconter ses cours, ses journées d'étudiante, pas être là à sangloter par la faute de son frère.

— Ça va aller.

Pendant une seconde, il s'était demandé si ce n'était pas trop l'infantiliser, de la prendre ainsi dans ses bras. Mais plus tôt, elle avait retourné son étreinte... Si ce geste avait été une erreur, il espérait qu'elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Il était ensuite temps de rejoindre le blond. Arsène s'était placé sur le côté de la table, laissant le plan de travail disponible à Callie et Darius pour reprendre ce qu'ils étaient en train de faire. Arsène se contenterait d'observer sans plus les déranger.