Si je n'avais rien prévu de particulier pour aujourd'hui, voir Arsène se préparer comme s'il allait se présenter à un gala me motive à ajuster mon énergie à la sienne. J'enfile donc une jolie robe rouge, juste au corps, qui s'arrête juste avant les genoux. Le col est de style bateau, la chevelure laissée libre, le maquillage similaire à celui que je porte au jour le jour et finalement les bijoux sont sobres. Juste assez pour faire la paire, mais pas assez pour donner à mon aimé l'impression que Mino est vraiment à ce point à cheval sur le décorum.

Évidemment avant son arrivée c'est la petite séance ménage et, si Arsène semble assez nerveux pour faire le tour de la maison quatre fois la minute, je me permets de passer rapidement un linge sur les surfaces principales, histoire de m'assurer que tout soit bien propre, que la maison sente bon et qu'elle ne trouve pas une miette sur la table pendant le diner. Bach s'affaire également, de son côté, à passer la balayeuse à l'aide de ses pouvoirs psychiques parce que, mine de rien, il y a beaucoup de poils qui se perdent entre nos quatre murs. Finalement Tchaikovsky fait office de sens bon, bien que les fenêtres aient tout de même été ouvertes pour faciliter l'aération.

L'heure avance et, en théorie, nous avons terminé. En pratique ? Arsène est entré en mode "chien battu". Il me quémande du réconfort, que je lui donne sans hésiter, et me proclame son amour.

Moi aussi je t'aime.

Mais c'est pratiquement comme s'il ne m'avait pas entendu. Il marmonne, se demande ce qu'il a bien pu oublier. Avec douceur, je lui caresse la joue et guide son regard vers le mien, un peu plus élevé puisque j'ai pris la peine de mettre mes talons pour l'occasion.

De te détendre, Arsène. Tu as oublié de te détendre.

Je lui offre l'esquisse d'un sourire, attendrie comme je le suis par ses mimiques et ses sensibilités. Je suis si choyée d'avoir trouvé un partenaire qui se soucie autant d'être une bonne personne, d'être apprécié et de bien s'entendre avec les gens qui, comme lui, me sont chers. C'est ce qui me permet, ironiquement, de rester entièrement calme. C'est parce que je fais totalement confiance à Arsène. Que je sais que, quoi qu'il arrive, il fera de son mieux.

C'est d'ailleurs l'heure de vérité puisque l'on sonne à la porte et que, impatiente d'arracher ce pansement pour passer à autre chose, je laisse mon chéri aller ouvrir à ma place. Je reste un peu plus loin, à l'angle du couloir, et tends l'oreille pour entendre ce qui se dit. Une fois les salutations usuelles échangées, la glace brisée, je me permets de venir les rejoindre et, sans attendre, mon amie me salue. Comment est-ce que je vais ? La réponse est évidente.

Je suis entourée de deux de mes personnes préférées en ce monde et toutes deux s'efforcent de contribuer à mon bonheur à leur façon. L'un en voulant établir une bonne relation avec ma meilleure amie et l'autre étant déterminée à s'assurer que je suis entre de bonnes mains. Je suis pour ainsi dire comblée et on ne peut plus reconnaissante.

Ce n'est pas une réponse classique, j'en conviens. Peut-être ai-je été un peu trop franche ? Je ne sais pas, mais c'est mon impression que, si je rappelle à l'un et à l'autre leurs objectifs communs, ils pourront plus facilement s'entendre. À voir si j'ai eu raison.