ilibelle n’avait… pas spécialement envie de se rendre au parc aquatique mais à défaut de visiter autre chose et en attendant de voir passer l’envie de passer du côté du palais impérial dans l’idée de repérer les faiblesses et les éventuels points d’entrées à communiquer à la révolution, le parc était un autre endroit. Peut-être qu’elle pourrait convaincre quelques autres révolutionnaires de venir faire une action dans le coin. Peut-être… elle ne savait trop, le parc la déprimait là où l’environnement aquatique avait un attrait tout particulier. Voir des pokémons performer pour le plaisir des humains, le tout sans que ce soit nécessairement dans un environnement positif pour eux, avait de quoi lui tordre le ventre et lui serrer les épaules. Elle ne venait pas souvent du côté de Castra Nicia mais l’errance avait parfois des mauvais côtés. Eviter consciencieusement la capitale n’était pas une bonne idée. Si d’aventure elle devait être appelée dans le coin, connaître les lieux était primordial. Même si une partie d’elle avait une envie grandissante de taper un scandal auprès de l’armée révolutionnaire en pointant une cible du doigt. Ce n’était peut-être pas la misère qu’elle croisait parfois dans les quartiers pauvres de Syene mais ce n’était pas non plus l’entente positive et le partage dans lequel elle avait grandi. Certains pokémons, au service des humains, avaient des yeux éteints et l’expression hagarde, l’air revanchard peut-être, parfois.
Peut-être que l’armée n’aurait rien à faire sur ce point. L’utilisation utilitaire et ignare des gens de l’Empire allait peut-être se retourner contre eux avant que quiconque ne puisse entreprendre quoique ce soit pour leur apprendre une leçon. Les pokémons, après tout, étaient une force avec laquelle il valait mieux ne pas jouer au plus malin.
Connaître le parc, repérer les endroits importants, reconnaître les lieux utiles, savoir où était quoi. Lilibelle n’était pas une espionne mais elle avait aussi appris, un peu par elle-même, que les informations étaient un excellent moyen de la mettre à l’envers à quelqu’un. Et si la soigneuse était pacifique et n’appréciait que très peu la violence, enfoncer une carotte là où le soleil ne brillait pas : ce n’était pas (trop) violent et c’était immensément satisfaisant. Et l’Empire méritait la plus grosse et la plus sainte des carottes. De toutes façons, la révolution disposait d’espions plus efficaces et plus importants qu’elle. C’était peut-être moins pour la révolution que pour elle-même. La jeune femme avait appris très tôt qu’elle ne pouvait compter que sur elle-même et si elle pensait pouvoir s’appuyer - dans une certaine mesure - sur la révolution, elle ne s’attendait pas non plus à pouvoir s’y fier complètement. On n’est, après tout, jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas ?
Pourtant, malgré sa quête d’information, Lilibelle avait soigneusement ignoré les différentes attractions, déprimée par les pokémons qu’elle y croisait, pour mieux s’aventurer dans les zones un peu plus reculées, un peu plus tranquilles.
Oh un ballon ! Ah, lui, il est vraiment dans un recoin perdu du parc. Lorsqu'il t'aperçoit, ses yeux semblent te sourire. Il te fait signe de le suivre. Connaissant la réputation de la bête, est-ce vraiment sage de lui faire confiance ?
ne ombre grandissante se glissa sur son visage, remplaçant la chaleur bienvenue du soleil par une fraîcheur frissonnante qui la fit ciller. Cillant, prise au dépourvu, Lilibelle leva le nez vers le ciel et, juste là, entre elle et le soleil, se laissait tranquillement porter un grodrive. Sa large silhouette colorée de violet et de jaune lui arracha un petit sourire et la jeune soigneuse se redressa, touchée par l’expression avenante du Pokémon. Ses longs « bras » terminés par un jaune joyeux lui donnaient presque envie de tendre le bras et de s’en emparer, de le laisser l’emporter au gré du vent, loin de cette ville maudite et de son atmosphère maussade, de son absence de joie et d’enthousiasme.
« Je suis sûre que tu pourrais m’emmener loin de ce purgatoire morose, » souffla-t-elle à son attention. Elle étira la main, juste assez pour lui faire « coucou » sans trop s’approcher au risque de se faire attraper contre sa volonté mais assez pour signifier qu’elle l’avait vu et qu’elle l’appréciait, même si peut-être de loin. En sécurité. « Prends soin de toi et sois prudent, » ajouta-t-elle.
Elle recula d’un pas puis tourna le dos au grodrive, avec seulement un petit regard en arrière, une rien à regret. Clairement, suivre et se laisser emporter par lui était l’exemple type du genre de décision à ne pas prendre. La fausse bonne idée. La vraie mauvaise idée. Mais si c’était pour mieux se tirer d’ici, c’était un peu tentant. Poursuivant son bonhomme de chemin, Lilibelle s’approcha d’un point d’eau avec l’intention de s’installer sur les berges et lire un livre dont elle avait récemment fait l’acquisition. La médecine faisait des progrès chaque jour, il était important qu’elle reste au fait des dernières nouveautés.
Alors que tu ouvres ton livre pour en découvrir la première page, un éclair jaune dans le coin de tes yeux attire ton attention. Tu réalises alors qu'il s'agit là d'un petit Pikachu tout jeune, entrain de faire sa toilette sur le bord de la berge. Il ne t'a pas encore remarqué, et semble très occupé à lisser sa fourrure et défriser ses moustaches.
lle n’a pas encore posé ses fesses sur l’herbe humide du bord de l’eau qu’un petit éclair jaune s’extirpa des buissons en petits bonds agiles. Le Pikachu s’immobilisa non loin, inconscient de la présence de la jeune femme qui l’observa attentivement, un sourire jouant sur ses lèvres tandis qu’il se frottait les moustaches, faisant sa toilette avec l’attention de celui qui sait qu’un pelage bien ordonné offrait plus que le plaisir d’une jolie présentation. Lentement, précautionneusement pour ne pas se faire remarquer, Lilibelle s’installa dans l’herbe et rangea côté son livre pour sortir un petit carnet de croquis et un crayon qui avait vu des jours meilleurs. Elle n’était pas une dessinatrice fabuleuse et la plupart de ses dessins n’étaient qu’une copie de ce qu’elle croisait dans la vie de tous les jours… à l’image de ce petit Pikachu qu’elle tenta d’immortaliser dans son activité. Son professeur de sciences humaines avait insisté sur des séances de dessins dans le but de créer « de meilleurs médecins ». Lilibelle ne savait pas trop si le but avait été atteint mais elle y avait découvert énormément de choses.
Petite, la musique, la danse et le chant étaient ce qu’elle préférait réellement. Chanter, danser, apportait une lumière dans leur petite ferme qui manquait cruellement. Faire une petite danse stupide sur la table de la cuisine pendant que sa mère tentait de sauver le contenu de leur réfrigérateur, celui-ci ayant succombé aux affres des catastrophes climatiques à répétition, avait permis de lui rendre le sourire. Et lorsque son père était rentré, l’incrédulité qui s’était plaquée sur son visage comme une claque avait fait éclater mère et fille de rire avant qu’il ne soulève Lilibelle pour l’entraîner dans une gigue ridicule autour de la table qui avait fini par emporter sa femme aussi et les trois Stormane avaient dansé jusqu’à n’en plus pouvoir, à bout de souffle, riant l’angoisse et le désespoir hors de la maison, hors de leur vie. Elle n’avait pas chanté ni dansé depuis longtemps. Peut-être qu’elle pourrait prendre des leçons maintenant ? La soigneuse sourit, la tête inclinée, le nez penché sur son croquis sur lequel un Pikachu prenait forme, se frottant les joues, les yeux fermés de satisfaction, un « Chu » au bout des lèvres.
Le dessin n’était pas exactement son fort mais des années de pratique l’avait rendue acceptable sur un point de vue anatomique mais probablement pas artistique. Il n’y avait rien d’original dans sa reproduction mais pour le reste, tout était correct. Des brins d’herbe qui lui chatouillait les pattes au froncement de son petit nez.
Alors que tu dessines le Pikachu, un petit Otaquin s'approche. Il se glisse presque sur tes genoux, pour te regarder dessiner, loin d'être farouche. Il semble absorbé par tes coups de crayon, comme s'il ne te remarquait même pas. Attention aux gestes brusques !
es détails de la fourrure du Pikachu commencent à peine à émerger sur la feuille grainée de son carnet lorsque le clapotis de l’eau, non loin, se modifia imperceptiblement. Concentrée sur son dessin, Lilibelle n’y prêta pas d’abord pas attention mais doucement une présence s’approcha d’une démarche oscillante, heureusement elle n’était pas bien grande et a priori pas bien effrayante. Seulement… elle continuait d’approcher. A la périphérie de sa vision, Lilibelle se déconcentra entièrement de son dessin pour surveiller la progression du nouveau venu, ses coups de crayons se faisant plus épars, moins assurés, distraits.
Et doucement, sans une once de brusquerie ni d’inquiétude, un petit otaquin s’insinua sous son coude, poussant délicatement son bras du bout de son petit nez rond pour se glisser sur ses genoux, son attention entièrement focalisée sur le dessin qu’elle était en train de réaliser. Il n’a pas le moindre intérêt pour elle, toute son attention dédiée aux coups de crayons qu’elle donnait, absente, sur la page. Son coeur gonfla, la pression de tant d’innocence manquant de la faire éclater de l’intérieur, touchée en pleine poitrine. Les sourcils soulevés par le désir de protéger cette naïveté dénuée de la moindre malice, Lilibelle décala légèrement sa main sur la page du papier et repris le dessin. Elle n’avait rien d’une artiste mais portée par les émotions qui lui serraient la gorge, les étoiles que ces petites créatures amenaient dans sa vie alors même qu’elle était tirée par le bas par Castra Nicia, elle voulait leur offrir une fraction de ce qu’ils lui apportaient chaque jour.
Petit à petit, avec une attention aux détails, déterminée à immortaliser ce moment magique, la jeune soigneuse entreprit de dessiner ce qu’elle voulait. Sa perspective. Le Pikachu au loin, la berge du petit point d’eau et, devant ses yeux, le croquis et entre elle et lui, le otaquin. Elle n’était pas une artiste mais on y retrouvait la fascination débordant d’affection et d’adoration qu’elle vouait à l’un comme à l’autre. On y retrouvait chaque petit élément qu’elle trouvait sur le petit otaquin qui s’était niché contre elle, absorbé par ses traits de crayons.
« Je peux te faire un portrait aussi, si tu veux, » souffla-t-elle posément, un sourire doux dans la voix.
Elle regrettait de ne pas avoir emporté des crayons de couleur, tout en ayant parfaitement conscience qu’il lui manquerait tant de nuances pour rendre justice à ce qu’elle voyait, à ce qu’elle vivait et ressentait.
Il a des petites étoiles dans les yeux en observant ton dessin. Et cette proposition que tu lui fais semble le ravir ! Il te répond avec engouement, tapant ses nageoires l'une contre l'autre.
e petit otaquin releva le nez à sa proposition, le soleil de midi se reflétant dans ses yeux clairs, les parant de multiples paillettes et Lilibelle ne pu retenir un sourire. Empli d’enthousiasme, le petit Pokémon battit des nageoires, un petit son enjoué lui échappant et faisant sursauter le Pikachu qui ne s’était pas encore rendu compte de leur présence. Outré, le petit Pokémon électrique fronça le nez à leur attention, hésita un instant puis s’éloigna en quelques petits bonds énergiques avec un « pika » irrité.
« Oh, je crois qu’on l’a dérangé, » fit-elle, une infime once de déception dans la voix. Elle baissa à nouveau le nez vers son nouveau compagnon et lui indiqua leur environnement immédiat. « A toi de choisir ta pose. »
Les yeux brillants, le petit otaquin sautilla maladroitement sur place, écrasant brièvement la cuisse de la jeune soigneuse au passage, lui arrachant un glapissement surpris qui se transforma presque aussitôt en un petit rire. Inconscient de sa maladresse, il se déambula jusqu’à un petit promontoire surplombant l’eau en contrebas. Réfléchit intensément, oscillant de droite à gauche dans son incertitude et son hésitation, l’air concentré. Lilibelle changea de page, consciente qu’elle n’avait, en réalité, qu’un talent limité. Ses compétences se limitaient réellement à l’anatomie et si elle pouvait donner des impressions de brindilles d’herbe, un paysage était loin en dehors de ses capacités. Préparant son crayon et fouillant dans son sac pour voir si elle avait emporté un taille crayon, elle se résigna à dessiner avec une pointe émoussée.
Il y eut un petit « ta ! » et lorsqu’elle releva le regard, ce fut pour croiser celui, très fier, d’un otaquin avec la partie inférieure de son corps à la verticale, en équilibre presque parfait sur les nageoires larges du petit Pokémon. Son apparence atypique n’en était que plus évidente et Lilibelle se mordit la lèvre, convaincue qu’elle ne saurait pas lui rendre justice, consciente qu’il y avait définitivement mieux que ses talents artistiques. Elle prit rapidement une petite photo de la scène puis se mit au travail. « N’hésite pas à prendre une pause, ça va peut-être prendre du temps. » La réponse enthousiaste de son modèle lui arracha un sourire tandis qu’elle entamait les premiers traits, déduisant les muscles, l’articulation du squelette et la manière dont la chair donnait au corps sa forme si atypique.
Elle n’était pas une artiste, pas une dessinatrice… mais le corps, ça, elle connaissait.
oncentrée et déterminée à faire plaisir au petit pokémon, Lilibelle croisa les jambes et ajusta sa position, gardant en tête qu’elle allait très certainement sortir de la petite séance avec quelques courbatures et qu’il était dans son intérêt de les limiter. Redressant le dos, elle fronça les sourcils et gomma un détail, retravaillant son trait, faisant la moue lorsqu’il ne suivit pas la trajectoire qu’elle lui voulait. Elle n’en connaissait pas forcément beaucoup, des vrais artistes, mais certains de ses camarades de classe avaient un vrai talent. Ils s’étaient découvert grâce au cours de ce professeur qui les avait convaincu que des cours de dessin étaient dans leur intérêt, que cette expérience ferait d’eux des meilleurs docteurs, de meilleurs soignants. Lilibelle n’avait pas eu besoin de ces cours pour apprendre la compassion, la compréhension mais l’observation nécessaire à la reproduction de quelque chose lui avait offert une attention au détail qui lui manquait. Elle s’était rendu compte, avec le temps, qu’elle remarquait plus de choses, était sensible à plus d’éléments visuels - ou autre - qu’elle ne l’était avant de commencer ce cours de dessin. Qu’il s’agisse d’une posture, d’un angle anormal, d’un élément qui sortait de l’ordinaire, elle se serait concentrée auparavant concentrée sur les symptômes présentés par le patient… et serait passée à côté de ce que le corps cherchait à lui dire.
Là… avec un petit sourire, Lilibelle tenta de représenter l’expression joueuse de l’otaquin, l’éclat enthousiaste et le plaisir qu’il prenait à prendre cette pose qui donnerait du fil à retordre à n’importe qui. C’était juste qu’elle n’y arrivait pas. La posture était bonne, la position des membres et l’inclinaison du corps était correcte mais ça manquait de vie. L’herbe n’était pas aussi naturelle que ce qu’elle retrouvait chez d’autres dessins, l’eau était plate et le reflet qu’elle avait essayé de lui donner brouillait un rien l’effet. Le paysage était indéniablement incorrect ou, en tout cas, il était clair qu’elle manquait d’entraînement même si l’effort était évident. Le pokémon, en revanche, était reproduit presque à l’identique. Là où l’herbe, l’eau, le rocher et tout ce qu’elle avait essayé de représenter autour de lui, manquait de définition et d’exactitude, le otaquin, lui, ressortait comme l’élu embrassé par l’éclat d’une pleine lune. Elle n’avait pas réussi à reproduire son enthousiasme mais, si on cherchait, on le devinait. En tout cas, la soigneuse pouvait le retrouver dans ses discrètes tentatives. La gomme avait été peut-être un rien trop utilisée mais le résultat restait satisfaisant, si elle ignorait la déception de ne pas pouvoir rendre justice complètement à son sujet.
Ajoutant un petit détail ici, gommant un trait en trop là, Lilibelle ajouta les dernières touches à son oeuvre puis reposa ses armes.
« J’ai fini, » annonça-t-elle en relevant le nez vers le petit otaquin, lequel glapit d’enthousiasme et, sans démontrer la moindre fatigue malgré le maintient d’une position compliquée, se précipita vers elle.
lle le suivit du regard, un rien d’appréhension lui serrant le ventre et la gorge. La petite pokémon avait l’air d’un enfant un matin de noël, enthousiaste et pleine de joie à l’idée de découvrir ce qu’une humaine inconnue avait bien pu gribouiller pour la représenter. Approchant de sa démarche si particulière, la petite pokémon se glissa jusqu’à Lilibelle et resta parfaitement de marbre lorsque la soigneuse lui présenta son oeuvre, tournant son carnet pour exposer ses traits au regard de son petit jury. Le silence s’éternisa une seconde ou deux. Une petite éternité pour le coeur de la jeune femme qui s’emballa, la peur d’avoir déçu sa camarade de jeu lui serrant le coeur.
Sa crainte fut de courte durée. Glapissant de joie, l’otaquin s’empara du carnet, le renversant au sol pour coller l’intégralité de sa tête contre le papier, détaillant chaque trait avec grande attention. Elle giflait la page avec excitation chaque fois qu’elle remarquait un nouveau élément, sautillant sur place avec force piaillements avant de tapoter à nouveau le carnet, levant son nez vers l’humaine, l’air pleine d’espoir.
« Je- » Lilibelle pencha la tête sur le côté, considérant la petite pokémon avec curiosité et incertitude, « Je crois que je ne comprends pas. »
Impatiente, mais sans méchanceté, l’otaquin sautilla sur place, débordante d’énergie et tellement pleine d’émotion et de ressenti qu’elle peinait à tenir en place. Elle tapota à nouveau le carnet, manquant d’arracher la page, avant de se tapoter la poitrine, ses larges nageoires faisant résonner sa poitrine sous l’impact.
« Oh ! Tu veux garder le dessin ? » Hochant vigoureusement la tête, l’otaquin sautilla sur place à nouveau, cette fois d’excitation. « Oh ben je n’y vois pas d’inconvénient, attends. »
Lilibelle se pencha, tendant le bras pour récupérer son carnet à croquis mais son mouvement se vit interrompu par une gifle sur le dos de sa main. La soigneuse s’immobilisa, incrédule, et jeta un regard au pokémon, lequel garda sa nageoire fermement en place sur la main de l’humaine, l’air elle-même confuse. La jeune femme pinça les lèvres pour retenir un gloussement :
« Je ne vais pas te le voler, » apaisa-t-elle calmement, patiemment. « Je veux juste détacher la page du carnet pour te la donner, » continua-t-elle, chaque mot détaché avec la patience d’un ange, un sourire ourlant ses lèvres. Les pokémons étaient capables de tant de puissance, de se défendre au moyen d’attaques dévastatrices. Pourtant, malgré son inquiétude de se voir privée de quelque chose auquel elle tenait manifestement, la petite otaquin n’avait fait usage d’aucune attaque, se contentant de communiquer de son mieux pour signifier sa réticence. « Tu peux me surveiller si tu veux, si tu as la moindre inquiétude, je t’écoute et je t’explique tout, d’accord ? »
Prudemment, lentement, avec un regard hésitant vers le dessin tant désiré, l’otaquin retira lentement sa nageoire, donnant son autorisation.
Avec un sourire rassurant, Lilibelle récupéra son carnet et avec toutes les précautions du monde, défit la page qui contenait le petit dessin et, le posant sur son genou, entreprit de fouiller dans son sac. « Si tu veux repartir avec elle, » fit-elle remarquer, sans savoir si la petite otaquin la comprendrait, « Il faut le protéger, sinon il va être trempé et se déchirer. » Où est-ce que… Soufflant par le nez d’irritation, la soigneuse fouilla avec un rien plus de véhémence jusqu’à trouver sur ce qu’elle cherchait. Elle sortit deux sacs en plastique zappé. Ouvrant l’un des deux, elle profita de l’occasion pour tendre un biscuit pour pokémon à sa camarade surprise, souriant en la voyant hésiter un instant, son petit nez rond frétillant avec hésitation avant qu’elle ne s’empare prudemment de l’offrande et ne la grignote avec délice. La petite otaquin occupée, Lilibelle transvasa le reste du contenu du premier sac dans le second, s’assura qu’il ne restait aucune miette en retournant le sachet et le frottant sur sa jambe.
Satisfaite, elle glissa le papier dans le ziplock, vida l’air puis referma le sachet. Une fois absolument certaine que le sachet était hermétiquement fermé, elle le tendit à l’otaquin qui l’observait avec de grands yeux. Lentement, sans la quitter du regard, la petite pokémon s’empara du bout des dents du sachet, prenant grande attention à ne pas percer le sac ni endommager son précieux contenu. « Tu veux que je le glisse dans ton petit col, peut-être ? » Hochant la tête, prudente, la petite pokémon rendit le sachet et observa du coin de l’oeil tandis que Lilibelle glissait l’item dans l’espèce de collerette qui entourait le cou de l’otaquin. L’attitude si réservée, presque méfiante, était inattendue pour ne pas dire carrément surprenante, en total contraste avec précédemment. La raison devint vite évidente. Une fois son cadeau récupéré, la petite louloute fit un premier pas prudent vers Lilibelle puis avec la même nonchalance que précédemment, finit de se glisser sur les jambes croisées de la soigneuse, s’y roula en boule, souffla doucement par le nez puis ferma les yeux.
Le soleil brillait doucement, les réchauffant toutes les deux de ses rayons sans les brûler pour autant. Les lacs offraient un vent frais qui se glissait dans la crinière rose de Lilibelle, rafraîchissant sa peau chauffée par les rayons du soleil et… et c’était une belle journée, loin de la morosité que la cité avait suscité chez elle. Les pokémons avaient ce don de lui faire oublier les mauvais côtés de la vie, lui faire oublier les heures sombres et les idées noires. Elle sourit doucement, le regard baissé sur l’otaquin qui somnolait paisiblement entre ses jambes croisées et se laissa aller à la caresser gentiment, accompagnant son sommeil d’une petite berceuse fredonnée du bout des lèvres.
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