Gento souhaitait simplement se rendre à Ilerda, après avoir entendu les nouvelles suite à l’intronisation d’un nouveau champion. Toujours aussi passionné des combats d’arène, le diplomate avait profité d’un jour de grand calme pour s’y rendre, et peut-être assister à un ou deux matches de ce nouveau champion ; après tout, s’il souhaitait s’y essayer un jour, mieux valait être prêt et connaître son futur adversaire. Le trajet aurait dû être relativement court, mais évidemment, en apercevant la plage en contrebas du taxi Corvaillus, Tiplouf avait voulu descendre faire une pause.

Le diplomate n’était pas vraiment pressé, et il était soucieux de construire un bon rapport avec son Pokémon. Il était conscient qu’il devrait discipliner la petite terreur qu’était le pingouin, mais d’un autre côté, s’il ne faisait preuve que de fermeté, jamais le Pokémon ne s’ouvrirait à l’humain. Alors, le taxi descendit et les déposa près de la plage plutôt qu’à leur destination initiale à Ilerda.

L’œuf dans les pattes, Tiplouf descendit le premier, piétinant le sable chaud de la plage. Chrysanthème descendit à sa suite, puis Gento quitta enfin la cabine du taxi, laissant le Corvaillus et son dresseur s’envoler vers la prochaine commission. Le soleil de début avril était aveuglant, et le diplomate mit ses yeux en visière. La mer, d’un bleu profond, brillait au loin. Rapidement, les petits Pokémon s’y élancèrent pour jouer. Soupirant, le diplomate confirma qu’ils étaient seuls sur la plage ; en ce début de printemps, peu de monde profitait des lieux, plutôt fréquentés l’été. Il laissa donc ses Pokémon s’amuser dans l’eau.

Chrysanthème revint rapidement auprès de lui, craintive qu’il n’arrive quelque chose à Gento pendant son absence. « Tout va bien, ma puce, tu peux aller jouer si tu veux. » Mais rien n’y fit, la Ptiravi resta fermement ancrée près de son dresseur. Gento sourit doucement et attrapa Chrysanthème dans ses bras, qui piailla de surprise. Il la porta jusqu’à la berge où il la déposa, avant de l’éclabousser d’eau de mer.

Ainsi attaquée, la Ptiravi se défendit, soulevant des volutes d’eau avec un Psyko, qu’elle projeta vers son dresseur. Le Tiplouf, voyant la guerre se déclarer non loin de lui, prit rapidement l’œuf avec lui et s’éloigna, de peur que ce dernier ne soit abîmé dans la bataille. Gento et Chrysanthème s’affrontèrent donc dans une terrible bataille d’eau pendant plusieurs longues minutes, au terme desquelles les deux adversaires étaient complètement trempés, sans qu’un vainqueur n’ait pu être déterminé. Gento reprit la direction de la plage – après cette pause méritée, il fallait maintenant repartir. Mais alors qu’il avançait, Chrysanthème sur les talons, quelque chose attisa son inquiétude.

« Où est Tiplouf ? »



Après s’être éloigné du combat, le Tiplouf s’était mis à chercher un coin à l’ombre pour couver l’œuf dont il s’occupait. En s’approchant des falaises qui entouraient la plage, il avait vu un petit renfoncement, un creux, dans lequel quelque chose brillait, attirant sa curiosité. Tendant la patte pour tenter de l’attraper, il avait fait glisser l’œuf, qui s’était mis à rouler à travers la fissure, disparaissant dans les ténèbres. Pris de panique, le pingouin se faufila à sa suite, plongeant à son tour dans l’obscurité, déterminer à ne pas abandonner son œuf.



Gento chercha pendant un long moment le Tiplouf, hésitant même à appeler les rangers au bout d’un certain temps, lorsque les piaillements du pingouin lui parvinrent alors qu’il examinait les falaises. Le diplomate s’approcha, s’accroupissant près du trou. « Tu es là ? » Un petit piaillement lui parvint, et la voix qui lui répondit était sans nul doute celle du pingouin capricieux. La détresse semblait s’emparer de lui, et Gento n’avait pas réellement de moyen de savoir s’il était blessé ou non. Ce Tiplouf ne se séparait jamais de son œuf, et il ne ferait rien qui puisse le mettre en danger. Gento soupira, réfléchissant à toute vitesse. Il tenta de passer un bras dans le trou, mais il ne put en toucher le fond. Il allait devoir trouver une autre solution ; Envoyer Chrysanthème était dangereux, et ses autres Pokémon étaient bien trop gros pour se glisser dans la fissure. « Reste ici, ordonna Gento au pingouin, observant les environs, avant de remarquer l’entrée d’une grotte un peu plus loin, je crois que je vois une entrée ; je viens te chercher. Piaille si tu m’entends t’appeler. » A en juger par la proximité des deux entrées, le Tiplouf avait dû tomber dans une des veines de la grotte.


C’est donc ainsi que Gento s’improvisa sauveteur, entrant dans la grotte accompagné de Chrysanthème, et de Lycoris, qu’il sortit de sa Pokéball afin de les guider dans l’obscurité, ses flammes permettant d’éclairer la grotte. Le plus difficile était de se rappeler dans quelle direction il fallait aller pour rejoindre le Tiplouf. Après quelques tours et détours dans la grotte, il n’était plus réellement sûr d’où aller. Il soupira. Il aurait peut-être dû réfléchir davantage avant de se jeter au secours du Pokémon. Heureusement pour lui, il savait qu’il pouvait compter sur Lycoris pour retrouver la sortie.

Il tenta d’appeler le Tiplouf pour se repérer, mais aucune réponse ne lui parvint. Il savait que ce dernier n’aurait pas tenté d’explorer seul la grotte, surtout avec son œuf ; s’il ne répondait pas, c’est qu’il n’était pas là. Une vague d’inquiétude s’empara de Gento en songeant aux autres raisons possibles pour cette absence de réponse, mais il secoua la tête alors que Chrysanthème piaillait à son tour pour appeler son compagnon.

Après un certain temps à s’époumoner, Gento fut contraint de faire une pause, s’essoufflant rapidement. Mais il reçut enfin une réponse… Un Pistolet à eau projeté à pleine puissance sur lui. Croyant d’abord à une mauvaise blague du Tiplouf, l’intention de l’attaque, et la réaction de Lycoris, qui utilisa Interversion pour s’interposer, laissa peu de doute quant à l’identité de l’attaquant… Qui n’était décidément pas le pingouin. Observant les alentours, pour déterminer la provenance de l’attaque, Gento remarqua que les rochers fronçaient les sourcils, et deux mains griffues s’apprêtaient à repartir à l’assaut. « Là ! » indiqua-t-il à Lycoris, qui, d’un mouvement, balaya l’Opermine se ses sabots, ouvrant sa terrifiante gueule, prête à noyer le Pokémon agressif sous un torrent de flammes. Sautillant, l’espèce de coquillage disparut dans les ténèbres sans demander son reste. Le diplomate soupira, rassuré que la situation ait été résolue. D’un autre côté, cela lui rappela de redoubler de prudence. Il dérangeait sans doute la faune locale à crier à travers toute la grotte, et nul doute que d’autres attaques seraient à prévoir, s’il continuait.

« Ma belle, utilise tes flammes, demanda Gento à Lycoris, si Tiplouf te voit, il viendra sans doute vers nous. » Des flammes d’un vert aussi intense, encore plus lorsqu’elles étaient familières, seraient un bon indicateur que le groupe s’approchait et qu’il pouvait les rejoindre. Silencieusement, la Galopa déploya un Zénith, qui illumina la grotte de la lueur verdâtre, la boule d’énergie suivant la jument dans son sillage. Cela avait l’avantage d’éclairer encore davantage la grotte, permettant à l’expédition improvisée de voir les menaces se présenter.

L’inconvénient, ce fut de constater qu’ils arrivaient à une intersection, avec quatre embranchements. Un moment de flottement s’installa au sein du groupe. Quelle route prendre ? Gento déglutit, avant de se tourner vers Chrysanthème. « Une idée, ma puce ? » L’instinct des Pokémon était plus aiguisé que celui des humains. Confronté à l’incertitude, le diplomate préférait s’en remettre à ses Pokémon. Chrysanthème hésita quelques instants, plongée dans une profonde réflexion, avant de désigner l’une des veines de la grotte. Incapable de déterminer s’il s’agissait de la bonne route ou non, Gento n’eut d’autre choix que de lui faire aveuglément confiance. Il acquiesça. « Allons-y. »

Le groupe s’enfonça dans le tunnel.


Après un long moment, aucun signe du Tiplouf. Il semblait même qu’ils s’éloignaient de l’endroit où était supposément le pingouin. Gento soupira ; fausse route. Chrysanthème se blottit contre la jambe de son dresseur, profondément désolée de son erreur. « Ce n’est rien, la rassura-t-il, tu ne pouvais pas savoir. » Depuis le départ, ils avaient laissé leur choix au hasard. Chrysanthème n’était pas fautive. Rassurée, cette dernière prit les devants pour faire demi-tour, mais poussa un piaillement alarmé. Gento et Lycoris se retournèrent à l’unisson, prêts à porter secours à la Ptiravi en cas de danger… et tombèrent nez-à-nez avec un Sepiatop, qui lui-même cria de surprise en apercevant toute l’expédition, avant de partir se cacher derrière un rocher.

Nouveau moment de silence.

Gento soupira, avant de ricaner. « Ce n’est rien, excuse-nous, parvint-il à répondre, tu nous a fait peur, voilà tout. » Il réfléchit quelques instants, mais en voyant que le petit Pokémon psy sortait doucement sa tête de derrière le rocher, sondant les nouveaux arrivants, il s’essaya à demander : « En réalité, nous sommes perdus. On recherche un petit Pokémon, qui s’est lui aussi perdu, tu pourrais nous aider ? » D’un geste, Gento déverrouilla son téléphone, et tendit ce dernier au Sepiatop, une photo du Tiplouf affichée sur l’écran. Rassuré par le fait que le groupe ne lui veuille visiblement aucun mal, la seiche s’approcha pour observer la photo, puis se tourna vers le fond du tunnel – là d’où venaient Gento et ses Pokémon – et tendit un tentacule.

Le petit Pokémon fila à travers les galeries, et Gento dut monter sur le dos de Lycoris pour que le groupe puisse suivre le rythme du Sepiatop, qui avançait à toute vitesse. Une fois revenus à l’intersection, la seiche indiqua de son tentacule l’une des intersections, à l’opposé de celle qu’avait pris Gento plus tôt. Ce dernier soupira, mais lorsqu’il voulut remercier le Sepiatop, ce dernier avait disparu, sûrement reparti après avoir offert son aide au groupe.

Toute l’expédition se remit alors en marche. Chrysanthème continuait d’appeler de temps en temps, au cas-où le Tiplouf ne pourrait pas les voir.

Après une longue, très longue attente, les piaillements se firent entendre. Ceux du Tiplouf. Et d’un autre Pokémon. Gento fit accélérer le pas à Lycoris, et ils arrivèrent enfin sur un cul de sac, un léger filet de lumière s’écoulant du plafond – la fissure par laquelle Tiplouf s’était volatilisé.

Dans ses bras, le pingouin, les larmes aux yeux à cause de l’angoisse qui avait eu le temps de la gagner, tenait un petit Togepi en larmes, terrorisé de la situation. Gento resta sans voix. Il ne lui fallut pas bien longtemps pour comprendre que le Togepi était l’œuf dont le Tiplouf ne se séparait jamais. Il descendit du dos de Lycoris et approcha des petits Pokémon terrifiés, avant de les serrer tous les deux dans ses bras. « … Tout va bien, berça-t-il, avant de se tourner vers le pingouin, tu as vraiment été très courageux. » Gento lança un regard en direction de Lycoris, qui s’approcha, laissant son dresseur hisser les deux petites créatures sur son dos. « On va rentrer, maintenant. » Le Tiplouf n’avait jamais été autant rassuré par la présence de la Galopa, et l’idée de ne plus être seul dans la grotte l’avait suffisamment calmé pour qu’il arrête de pleurer. Sentant que le Pokémon eau reprenait son sang-froid, le Togepi cessa lui aussi de pleurer peu de temps après.

Le chemin du retour se fit dans un relatif silence. Lycoris menait la marche, ayant mémorisé la route. Chrysanthème s’occupait des deux petits Pokémon, les aidant à se calmer, et les nourrissant de son œuf pour guérir d’éventuelles blessures. A son contact, le Tiplouf et le Togepi semblèrent aller tout de suite mieux. La Ptiravi gazouilla des chants pour remonter le moral des troupes.

Gento ne put s’empêcher de penser à quel point le Tiplouf avait dû avoir peur – il n’était pas le plus brave du tas, après tout. Pourtant, il avait obéi sans broncher, et était resté pour prendre soin, veiller sur le petit Togepi. Un petit sourire naquit sur son visage. « Lotus », appela-t-il doucement. Comme s’il se reconnaissait, le Tiplouf leva la tête, pour rencontrer ce sourire. Après un bref instant de silence, le pingouin vint se blottir sur les genoux du diplomate. A sa suite, le Togepi vint s’y loger également, très peu désireux de s’éloigner d’un pouce du Pokémon eau.

Gento caressa la tête des deux Pokémon, tandis que la lumière du jour perça l’obscurité de la grotte. Ils étaient dehors. Le diplomate en profita pour appeler immédiatement un taxi pour Ilerda. Il devait absolument faire examiner les deux petits Pokémon, et s’occuper en priorité du bébé. L’heure n’était plus aux jeux dans l’eau.

Il lui sembla étrange, cependant, de constater que toute cette expérience semblait avoir fait grandir le Tiplouf qui, à partir des jours suivants, accorderait davantage de confiance à son dresseur.