C'était le grand jour. Et il ne pouvait pas se sentir plus mal.

Arsène avait tout juste eu le temps de découvrir les locaux. Le changement de décor avait été réalisé en un temps record, et plus vite qu'il ne l'aurait imaginé, il se retrouvait clés en poche. C'était à craindre, après tout, l'Empire n'allait pas ralentir pour lui. Et s'il comprenait parfaitement, il ne pouvait s'empêcher de penser que peut-être, il n'était au fond pas fait pour ça.

Pour la quatrième fois depuis les cinq dernières minutes, il vérifiait l'état de son veston. Est-ce qu'il en faisait trop? Probablement. Une tenue de gala pour un "simple" combat d'arène, c'était à la limite de l'indécence. Mais d'un autre côté, pour lui qui a obtenu son premier badge face à une suppléante, un rôle que l'on sous-estime bien trop souvent, il voulait rendre cette expérience aussi inoubliable et agréable que possible. Et puis, le brun se sentait toujours mieux quand il était bien habillé et se complait dans cette vanité inoffensive.

Il se répétait encore et encore le discours d'entrée qu'il avait préparé. Est-ce que ça aussi, c'était trop? C'était un premier badge, après tout, un rappel des règles était de mise. Si le challenger était bien préparé, ça ne serait qu'un court rappel. Au brun, cela lui donnerait le temps de calmer son anxiété. Dans tous les cas, ce n'était aucunement une perte de temps. Il espérait simplement ne pas froisser son challenger. Il repensait à l'email qu'il lui avait envoyé. Était-ce trop? Avait-il été infantilisant dans ses propos? Certes, il avait eu raison de le faire, puisque cela avait permi à son adversaire de le prévenir et d'avoir réglé l'éclairage en accordance avec ses soucis de sensibilité aux yeux.

Elle aussi, aurait apprécié l'attention.

Le brun soupirait. Ne pas avoir Olivia avec lui, pour un jour tel que celui-ci, lui était difficile. Douloureux, même. S'il ne pouvait, ni ne voulait évidemment pas la forcer à l'accompagner, il aurait définitivement préféré savoir son aimée dans les gradins. Juste en soutien moral, de loin. Un regard en sa direction, et il se serait senti plus fort. Malheureusement, ce ne serait pas le cas aujourd'hui. Heureusement pour lui, Calliope avait été là pour l'accompagner. Sa jeune soeur avait pu se libérer pour la journée, et il en avait été infiniment reconnaissant. Il était juste un brin capricieux, et aurait voulu les avoir toutes les deux avec lui.

L'espace d'un instant, il s'était senti retomber en enfance. Retomber à l'époque des récitals, avec son violon trop petit pour lui, à stresser derrière les grands rideaux de l'Opéra avant que ne vienne le temps de jouer. Aujourd'hui, il faisait parti du jury, en un sens. Il n'était pas là pour briller, bien au contraire. Il ne devait être que l'étincelle qui embraserait le potentiel de son challenger. Il n'était qu'un outil de l'Empire, aujourd'hui. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de douter, de se poser tout un tas de questions. Il avait vu ces tylts, qui lui avaient fait prendre conscience de la portée médiatique que pouvait avoir les combats d'arène. "Le nouveau champion n'est pas un adversaire à sous-estimer"... n'était-ce pas présompteux? Les dresseurs qui voudraient l'affronter ne se feraient-ils pas une mauvaise idée?

Il n'avait plus le temps d'y penser. Callie était allée s'installer dans les gradins après une dernière étreinte fraternelle bienvenue. On l'avait prévenu de l'arrivée dans l'arène de son adversaire. Une dernière vérification de ses pokéballs, prévue pour l'entrevue. Pentoville pour sa hargne, Baskerville pour sa fougue, et Elm pour sa versatilité. Ses cristaux Z prêts à l'emploi, si son adversaire venait à en faire usage également. Sa gemme-sésame, en broche, pour résonner de concert avec celle de Basker. Il était temps au Champion d'entrer en scène.

Sous les projecteurs à la lumière tamisée, Reichenbach le suivant au pied dans un pas militaire, Arsène s'avançait dans l'arène. Son regard attiré par les gradins, relativement remplis. Les accompagnateurs du challenger? Les curieux, impatients de voir ce que leur nouveau champion a dans le ventre? De simple amateurs de sport? Il ne pouvait être sûr de rien. Alors il continuait d'avancer, jusqu'à prendre sa place. Face à son adversaire.

Face à Olivia.

Son corps entier s'était tendu. Rei cherchait des réponses en collant sa truffe contre sa main endolorie. Son coeur allait transpercer sa poitrine. Elle était là. Elle était bien là. Arsène ne pouvait retenir le sourire qui se dessinait sur son visage. Il voulait faire les derniers pas qui la séparait d'elle, la prendre dans ses bras, l'embrasser. Mais il ne le pouvait évidemment pas. Elle était ravissante. Se concentrer. Il devait se concentrer. Elle était venue. Il devait se reprendre, jouer son rôle de champion. Il l'aimait tellement.

C'était donc elle, la mystérieuse challenger. Jamais il n'aurait deviné. Si Olivia l'avait accompagné lors de ses propres combats, il ne s'était jamais rendu compte d'un quelconque intérêt pour ce sport. Et pourtant, voilà qu'elle était là, clamant haut et fort qu'elle était venue le défier. Et même: remporter son badge. Il avait été subjugué, évidemment. Et sans un léger coup de corne discret de Rei, il aurait bien pu rester ainsi, bouche-bée, pendant des heures. Puisqu'elle voulait voir ce que valait un champion, il ferait tout pour la satisfaire.

— Alors ne perdons pas de temps, affirmait-il d'un ton décidé et fier.



Si son aimée connaissait sur le bout des doigts son équipe du jour, ce n'était pas le cas pour Arsène. Il ne pouvait que supposer. Certains de ses pokémons n'étaient pas fait pour le combat, malgré toute la bonne volonté dont ils pouvaient faire preuve. Il devait donc réfléchir autrement. Elle était probablement venue avec une équipe lui conférant un avantage. Avait-elle décidé de prendre Debussy pour compter sur sa puissance brute, et ses attaques eau qui pourraient bien terrasser Basker? Ou était-elle plutôt accompagnée de Verdi, pour son type combat? Ou Fučík, pour son type fée? Rien n'était moins sûr. Et comme promis, il ne la ferait pas attendre inutilement.

— Pentoville, tu ouvres le bal.

C'était une situation qu'il n'avait évidemment pas envisagé. Il allait devoir composer avec le fait que ses pokémons étaient, par proxy, ceux d'Olivia. C'était bien pour cela qu'il avait commencé avec la hyène. Si Pentoville appréciait la jeune femme, elle était aussi rigide que les portes de prisons qu'elle avait pu garder autrefois. Après un instant de surprise, elle reconnaissait son environnement, son arène. Elle prit une posture plus dynamique, prête à obéir au premier ordre donné. C'était aussi un moyen de donner à sa douce la possibilité de choisir de manière adéquate son premier pokémon. Et, à Arsène le temps d'appréhender la suite.

— Prépare-toi.

Sans attendre d'avantage, la grahyèna laissait résonner dans toute l'enceinte de l'arène un grondement gutural. Il pouvait sentir la fureur de ses deux autres pokémons à travers leur pokéball. Même Rei s'était tendu, lui qui n'était pourtant là qu'en sa qualité de pokémon d'assistance. Pentoville hurlait ensuite en direction du plafond, alors qu'un rayon vint transperser le toit vitré de l'arène. La structure de métal se réchauffait toute entière. S'il ne pouvait pas savoir avec certitude qui son équipe allait affronter, il s'assurait au moins de renforcer ses propres forces.