- Je ne sais pas trop pour toi, Pendragon, mais cet endroit me fait froid dans le dos.

Le petit dragon se contenta de rouler sur lui-même, réponse sibylline au possible. Lui aussi sentait un frisson lui remonter le long de la colonne, colonne qu'il avait d'ailleurs fort arrondie.

Neropolis était loin, très loin de Corvinium. Des milliers de kilomètres, plusieurs routes, des montagnes, des déserts, des plaines, des forêts séparaient les deux grandes cités maestoniennes, comme s'il était important qu'elles ne puissent jamais entrer en contact. Comme s'il fallait empêcher l'établissement d'un quelconque lien entre elles deux. Même si cela avait été possible, l'une et l'autre ne partageaient que trop peu de points communs.

Pourtant, Alexander Hawke jouait ce rôle, en s'étant déplacé depuis son foyer jusqu'ici, jusque là, au cœur de la "ville la plus hanté" de l'Empire. Un rendez-vous ô combien important l'avait mené à y mettre les pieds et ressentir, lui aussi, cette impression étrange qu'on ne voulait pas de lui sur ces terres. Une sensation des plus déstabilisantes, que l'expert en mythes et légendes ne parvenait pas à cerner. Comme si une ombre persistait dans le coin de son œil, à l'échelle de la conscience. La concentration élevée de Pokémons Spectre devait jouer, bien entendu. On ne possédait pas le plus grand cimetière de l'Empire sans attirer à soi l'étrange, le mystérieux, l'occulte.

En avance, et curieux car il n'avait jamais franchi son porche, l'érudit trouva le courage de s'aventurer jusqu'à cette fameuse Nécropole. Il se constituait de plusieurs gigantesques terrains recouverts de tombes blanches, sortant de terre comme des dents d'une mâchoire malade. Parfois, un mausolée de héros ou un caveau familial ornementé venait rompre la monotonie de ces alignements de marbre.

Sensible, Xander fut saisi dès l'entrée par l'atmosphère qui y régnait. Tantôt intime, tantôt grandiose, toujours lugubre, elle baignait la zone comme une nappe de brouillard, chape de plomb. Un espace parfait pour exprimer son deuil, ses regrets, et se recueillir. Un oeil sur l'heure, l'autre sur ces siècles de vie réunis en un seul endroit, il se déplaça ainsi de carré en carré, silencieux, une ombre fantômatique parfaitement à sa place.

Puisqu'assez seuls, et confiant en la capacité de Pendragon à ne pas attirer l'attention (aucune plate-forme en hauteur n'étant accessible, surtout), il laissa son compagnon déambuler à ses côtés. Pas de raison qu'il soit le seul à se dégourdir les pattes. Et puis, à deux, il ne pouvait rien leur arriver, n'est-ce pas ?