Pourtant, Cynthia s'entêtait dans son avancée. De ses pokémos, seule Malta avançait à ses côtés, malgré son dédain naturel pour les températures hivernales. La dragonne comprenait aussi que c’était un challenge. Un test, même si elle ne savait pas exactement pourquoi. La championne sol avait besoin de réfléchir, alors elle était partie là où personne ne l'attendait.
La neige craquait sous ses boots, ces épaisses bottes de neiges qui donnaient un air de canarticho sur le goudron mais se révélaient bien pratiques dans la nature sauvage. Pas de tempête aujourd’hui, pas d’orage ni de bataille, seulement un ciel éclairé mais non pas chauffé, par un soleil limpide. Elles avaient fait le choix de longer le lac, malgré les risques que cela encourrait, sol et eau gelée semblaient comme deux miaouss sous l’épaisse couche de neige.
Un grognement.
Cynthia avait depuis longtemps pris l’habitude de parler à ses pokémons. Elle avait conscience de combien cela la rendait singulière, surtout depuis qu’elle rencontrait des dresseurs à la pelletée. C’était aussi l’une des raisons de sa venue. Il s’était passé quelque chose entre elle et sa dragonne lors du combat contre Ahsoka, puis avec son lucario face au blizzaroi. Et puis… il y avait cette attaque.
Draco Meteor.
Nalla lui avait donné des conseils aussi précis que possible, mais il lui revenait à elle d’en faire bon usage. Le Grand Lac Maeston serait son terrain de jeu. Elle ne risquait pas de trouver âme qui vive dans les environs, ou de se faire engueuler par Amaranth parce qu’elle avait terrifié la population d’onix du canyon.
Le chalet où elles se rendaient était un vestige d’une ancienne voie de liaison entre l’Empire et le Canada, du temps du Grand Cataclysme. Délaissé, il restait marqué sur les cartes pour les amateurs d’aventure ou les lougarocs de traineaux. Cynthia n’y était jamais allée auparavant, ce serait une découverte pour elle aussi. Entre la les branches des sapins et malgré le blanc qui camouflait sa forme, un toit orné d’une cheminée se découpait à l’horizon. Elles étaient arrivées.
Il n’avait pas été bien difficile de refaire fonctionner la cheminée et la championne avait été surprise de trouver quelques rations encore conservées. Les chaussettes oubliées par les anciens explorateurs étaient une surprise un peu moins agréable mais pas moins drôle. En peu de temps, dragonne et humaine s’étaient accaparées le lieu. Elles avaient une semaine. Une semaine d’entrainement avant de devoir reprendre le rythme soutenu des arènes. Seulement une semaine de calme.
Il ne servait à rien de presser. Ce soir ce sera bacon et œufs, ensuite il faudra aller couper du bois et le faire sécher, si elle en croyait les nombreux guides qu’elle avait lus auparavant. Diligemment, Malta se mis à la tâche, bientôt rejointe par Eridu et Kition qui était parti survoler le lac en paix.
Le repas du soir avait été partagé avec joie, elle avait pris quelques photos pour les envoyer à Ahsoka, une fois le réseau retrouvé. Peut-être qu’elle l'emmènerait ici plus tard, du moins, seulement si elle arrive à faire fonctionner la chaudière qui date du siècle dernier. Et si elle passait outre que y’avait pas de douche et qu’il fallait y aller au seau d'eau chauffée. Ouais, ça perdait tout de suite de sa splendeur.
Les jours passèrent, les efforts avec eux. Une routine facile s’était installée entre eux. Cynthia et Malta partaient s'entraîner au lac pendant qu’Eridu chassait aux alentours, il leur ramenait ses trouvailles le soir, des baies, cailloux et branches qu’il aimait particulièrement pendant qu’elles s’écroulaient, frustrées et épuisées. Le décompte des heures goûtant dans le ciel alors que celui-ci se teintait de rose, puis noir, orange avant retrouver son bleu, jour après jour.
Parfois ils alternaient, Malta trop agacée par ses échecs allait passer ses nerfs dans les collines proches, y creusant des galeries qui menaient, Cynthia ne savait où alors qu’elle-même en profitait pour bichonner le lucario. Eridu aimait qu’on lui tresse les poils. Il aimait aussi énormément les montagnes et le froid, bien plus que le sable en tout cas. La championne avait découvert qu’il la regardait lorsqu’elle ne le voyait pas, parce qu’il refaisait de lui-même certains de ses gestes, ayant appris par mimétisme. Étendre le linge allait beaucoup plus vite à deux.
Le silence était presque oppressant parfois, uniquement brisé par l’impact répété des météores dans le lac. Les gerbes d’eau se faisant de plus en plus grandes, de plus en plus hautes à mesure que les jours s’écoulaient. Cynthia se surprenait par son endurance mais aussi parce qu’elle remarquait des erreurs qui, il y a quelque temps encore, lui auraient été imperceptibles.
Elle était devenue plus forte. C’était une évidence.
Cette réalisation l’avait frappé durant un repas. Entourée de sa famille, parce qu’il n’y avait
d’autre mots pour les décrire, soutenue par des amis – des amis ! – encouragée par sa mentor, elle avait su surmonter des épreuves qui n’auraient jamais dû être les siennes. Elle avait remporté plus de badges qu’elle n’en avait rêvé et su être à la hauteur de son titre. Maintenant quoi ?
Se battre contre la Menace Obscure ? Protéger l’Empire tant de lui-même que de ceux souhaitant le détruire ? Poser un nom sur ses sentiments pour la surfeuse de Syene ?
La promesse qu’elle avait faite à Alisha trottait encore dans sa tête, tout autant que sa conversation avec Even. Assise sur un rocher, elle regardait les blocs de glace brisée qui laissaient place à l’eau sous le lac.
La carchacrok posa sa tête sur ses genoux, Cynthia leva un bras pour lui gratter le haut du crâne.
La carchacrock se redressa. Pressa tendrement son front contre celui de sa dresseuse. Les yeux fermés. Elle puisa dans cette force, cette détermination. Une promesse se faisait à deux. Et là où Cynthia lui promettait la force, Malta, elle, lui promettait autre chose. Je veillerais sur toi, pour que tu vives des jours meilleurs. Ta joie sera ma force. Sa puissance enflait dans sa poitrine, grondant comme une avalanche, une catastrophe naturelle qui ne pouvait être contenue.
Celle qui redoutait le jugement se drapait d’ambition, et celle qui ne connaissait que la violence choisissait de préserver.
De leur union, le ciel éclata de milles et unes couleurs, des comètes, comme des vœux exhaussés, des étoiles filant au travers des nuages pour s’éclater sur sol. Dans un déferlement de puissance, le nord du Lac de Maeston fut témoin du Draco Meteor.