Un sourire, discret mais doux, si doux qu'il pourrait paraître triste. De bonnes manières, de sorte à toujours mettre autrui le plus à l'aise possible. L'habitude de se concentrer sur l'autre plutôt que sur soi, par gentillesse, et peut-être pour ne pas penser à ce qui pulse, au creux de son coeur. Des gestes mesurés, maîtrisés, jamais brusques, du moins pas plus que nécessaire. Il n'en serait peut-être pas capable, de toute façon. Ses tenues, simples, sobres, dans des tons souvent sombres, le collent comme une seconde peau, comme s'il avait été moulé dedans.

Alexander est ainsi un homme tout à la fois remarquable et oubliable, comme le mal dont il souffre le plus: la sensation diffuse d'avoir manqué quelque chose dans sa vie. Les collègues avec qui il avait pu partager ce mal-être ont rigolé, en invoquant la sacro-sainte crise de la quarantaine. Un mauvais moment à passer, avant d'aller de nouveau mieux. Peut-être ont-ils raison. Dans ce cas, pourquoi a-t-il l'impression d'avoir quarante ans depuis des années ?

Il n'est pourtant pas dans une situation difficile, au contraire même. Titulaire d'un poste prestigieux d'enseignant-chercheur en histoire (spécialité mythologies) à l'université de Corvinium dont il a sacrifié la composante de recherche pour aider Vivian à chercher l'Epée Sacrée, mari d'une femme merveilleuse qui participe complètement au fait de tenir le coup à son bonheur, père de deux enfants trop distants à son goût de Callérien diamétralement opposés mais à l'avenir ô combien riche, des collègues adorables, une très belle maison, des Pokémon qu'il aime, tout devrait bien se passer pour lui, si l'on s'en tenait aux faits.

Oui mais voilà, ce n'est pas le cas. Les racines de ce mal-être serpentent à travers le caractère et la vie de Xander, prenant source en de nombreux points essentiels.

Dans son amour pour Callero, déjà. Bien qu'il ait grandi dans une famille se voulant à l'équilibre entre tradition et modernité, soit vivre avec l'Empire sans sacrifier les belles choses de la culture callérienne, il peine à supporter les misères que Maeston fait subir à sa terre natale. Malgré une implication forte dans l'antenne corvinienne du Mouvement de Libération, il n'y peut rien, et cela le frustre terriblement. A sa manière, il fait survivre un petit bout de Callero chez lui, en se souvenant des disparus et en cuisinant des plats typiques de chez typiques... et qui te piquent aussi, fort.

Les sacrifices qu'il a fait pour sa famille jouent également un rôle important, voire central, dans cette sensation qu'il lui manque quelque chose. Attention, il ne regrette pas d'avoir fait ces choix. Assurer un avenir pour ses enfants et travailler au bonheur de sa femme ont été ses motivations principales. En aucun cas il ne changerait les choses qui se sont passées jusqu'alors. Vivian, Arthur et Morgane sont ce qui compte le plus pour lui. Pour autant, le fait d'avoir mis de côté sa passion pour le dressage et les combats au profit de l'éducation de son fils puis de sa fille le tient parfois éveillé la nuit, lorsqu'il se prend à rêvasser. L'abandon de ses recherches historiques pour permettre à sa conjointe de continuer la quête de l'Epée Sacrée dans les meilleures conditions possibles le hante aussi, quelque peu. Seule son implication au sein du Mouvement de Libération semble dénué de regrets, et encore. Sans la création inopinée de sa famille, il aurait sans doute emprunté la voie de l'Armée, et serait devenu un soldat... ce qui le terrifie peut-être encore plus que tout le reste.

Ce qui aurait pu être l'effraie ou l'emplit de regrets, lui, le docteur en histoire, l'ancien dresseur de talent, le gentil "révolutionnaire".

Pour autant, et il est bon de le répéter, Xander est un homme fier. Fier de sa situation, fier des gens qu'il aime, fier de tout sauf de lui au final. C'est là que le bât blesse le plus, en fait. A ses yeux, il pourrait faire plus, tellement plus, mais la retenue qu'il s'applique depuis tant d'années déjà l'empêche de passer le pas, de franchir le cap du rêve pour transformer ses désirs en réalité. Pour ne pas déranger ses proches, les gens qui comptent sur lui, les projets qui dépassent sa minuscule petite personne, il est prêt à s'effacer, à tout donner... sauf que ce n'est plus possible, aujourd'hui.

Il n'y arrive plus. Pas sans se sentir dépérir, pas sans avoir l'impression angoissante de disparaître dans l'oubli, dans le néant.

Peut-être serait-il bon d'enfin appliquer le meilleur conseil que son psy lui a jamais donné: "si vous vivez à moitié endormi, anesthésié par votre vie, par les choix que vous faites peser sur votre conscience, il n'y a qu'une seule chose à faire, alors. Réveillez-vous, M. Hawke, réveillez vous."