Si on t'avait dit que l'on pourrait faire plus reculé et moins dense que Venetiae, tu aurais sans doute refusé d'y croire sans le voir de tes propres yeux. Et pourtant, tu constatais bien, désormais que tu y étais, les choses par toi même. Cet endroit te rappelait ton village natal, à l'exception que l'air n'était pas aussi froid que chez toi. D'habitude, dans ce genre de paysage, tu aurais déjà senti tes poumons te brûler, mais ici, rien de tout ça.
Une quiétude se dégageait de Nepthe et de son centre-ville. De ce que tu avais pu comprendre, l'endroit avait souffert des catastrophes ayant frappé ce monde et la plupart s'était réfugié en son centre afin de récupérer un confort qui leur avait été prit. Et bien que les lieux commençaient à peine à se reformer et que les gens poussaient à nouveau les frontières du monde vivable, tu ne pouvais t'empêcher d'apprécier la modestie qui se dégageait de Nepthe. Une modestie imposée par les circonstances certes, mais bien présente.
Mais voilà... En tant que touriste, tu n'avais aucun repère, aucune connaissances à même de t'aider à t'y diriger. Et comme tout touriste ne s'étant pas préparée, tu étais bien peinée lorsque tu te présentais à l'auberge de l'endroit, sans moyen de communiquer efficacement.
- Comprenez-vous le langage des signes ?
C'était là beaucoup demander. Tu n'étais certes pas la seule sourde de l'Empire, mais c'était là un handicap qui se faisait de plus en plus rare. La technologie armée des pouvoirs des différents Pokémon savait régler énormément de problème de santé. Si tu n'étais pas née de la sorte, tel un défaut de conception, tu en serais sans doute totalement guérit aujourd'hui. Mais ce n'était pas le cas, et face à l'aubergiste, tu ne pouvais qu'afficher une moue un peu confuse.
Il était dur de lire sur les lèvres d'une personne avec certainement un accent très prononcé. Étonnement, même si tu ne pouvais pas l'entendre, celui se retranscrivait sur la bouche de la vieille femme et même là, la communication devenait communiquer. D'autant que ton Zarbi n'allait pas t'aider énormément. Il pouvait certes t'épauler avec la communication entre les Pokémon, mais avec d'autres humains, l'exercice n'était pas évident...
D'autant que tu n'avais plus ton téléphone sur toi, l'ayant perdu sur le trajet. Alors, telle une enfant, contrainte de te rabaisser à ce genre de mime, tu tentais de lui faire comprendre que tu avais besoin de quoi écrire. Mais à croire qu'elle semblait prendre tout cela comme une moquerie de ta part à la vue de son visage qui se crispait de plus en plus face à toi. Tu te retenais alors de soupirer, la situation n'était évidente pour personne, mais encore moins pour l'étrangère que tu étais.
Ne posons pas la question, retournons-la : est-ce qu'il t'arrive de passer de bonnes journées ? Tu répondras non parce que tu es négative, mais la réponse est bel et bien "oui", même si c'est rare. Mais bon, tout le monde sait que si tu ne râles pas, c'est que tu es morte (ou que tu dors), alors il ne faut pas faire attention à ça.
Par contre, toi, tu prêtes attention aux autres, as ta ville. D'une certaine manière les tracas du quotidien sont importants pour toi, certains étant causés par de véritables problèmes que tu es censée porter devant le sénat pour qu'ils soient en théorie réglés rapidement si possible. Et ça commence à faire beaucoup de conditions.
Par contre, en dehors de ton taff, tu n'es pas vraiment du genre à régler les problèmes des autres. Quand tu es off, tu es vraiment off, et tu préfères ignorer les problèmes. Bon, sauf quand ils se produisent sous tes yeux, normalement c'est un endroit calme pour attendre une connaissance, mais...
"Il y a un problème ?"
À la tête de la tenancière, oui. À la tête de la plus jeune aussi. Super. Alors bien sûr elle t'explique la situation tandis que tu roules de façon imaginaire à tes yeux et que la petite reste silencieuse. Étrange.
"Et vous, rien à dire ?"
Alors que tu te tournes vers la concernée. Et tu n'es pas si accusatrice que ça il faut juste te lire...
Il était déjà assez complexe pour toi de tenir une discussion avec une autre personne, mais encore plus lorsque d'autres acteurs venaient à se rajouter à la scène. Une femme, à la chevelure blonde et à la peau aussi blanche que la neige que l'on trouvait par chez toi s'était présentée à vous, comme une arbitre face à un litige que tu comprenais à peine. Plissant les yeux, tu cherchais à comprendre avec précision ce que les deux femmes se disaient avant que l'intruse ne se tourne vers toi.
Elle ne semblait pas te porter en faute, mais elle attendait des réponses et cela se voyait. Des réponses que tu ne pouvais pas lui offrir clairement. Certes, tu pouvais t'essayer à la parole, après tout, tu savais t'exprimer, juste pas aussi bien que tu l'aimerais et pas avec l'éloquence que tu méritais. Alors tu penchais ta tête sur le côté, t'assurant de fixer ses lèvres avant de répondre de la seule manière que tu connaissais réellement.
- Je veux juste une chambre où dormir pour quelques nuits.
Évidemment, comme beaucoup de fois dans ta vie, tu te contentais de jeter une bouteille à la mer. Hormis ton frère, combien était vraiment capable de te saisir ? Très peu. Alors, tu pointais du doigt, te subtilisant au passage toute forme d'élégance, la formule d'une chambre à la nuit qui s'affichait sur l'une des pancartes non loin de vous. Puis, de manière très grossière et primitive, tu imitais ton incapacité à entendre et à parler.
C'était rabaissant de faire cela, non pas que tu accordais un grand attachement à ton image mais malgré l'handicap, tu cherchais constamment à garder un semblant de dignité. Beaucoup te voyait de haut simplement car tu étais exemptée de service, alors autant ne pas simplement pas en rajouter les rares fois où tu devais te mélanger à la civilisation. Puis finalement, ton regard venait à s'arrêter sur un calepin gardé en cas de panne du système informatique pour prendre les réservations. Malgré les protestations de la tenancière, tu venais à la lui prendre, non sans montrer un semblant de respect dans ta gestuelle avant de saisir le stylo à plume déposé juste à côté et commencer à écrire.
- J'ai perdu mon téléphone sur la route. Je ne suis que de passage pour découvrir la région. Veuillez pardonner les troubles que j'ai pu causer.
Arrachant la feuille, tu venais à la leur montrer avant de t'incliner pleine d'embarras. Tu n'étais pas une criminelle, et tu ne cherchais pas à créer un quelconque tumulte là où tes pas avaient le malheurs de te porter.
La discussion (est-ce que ça en est véritablement une quand l'une des deux personnes ne semble pas y participer ?) n'avance pas vraiment. Rien d'étonnant, mais tu finis par te poser une question devant l'agitation de la plus jeune. Tu n'es pas certaine, mais il est possible que... et bien elle réponde à ton interrogation à sa manière.
"Laissez-la faire. "
Avant que l'hôte s'énerve. Ça n'est donc pas de la timidité, mais bien un handicap. Tu lis la feuille à haute voix, avant de sortir un bloc de post it de ton sac et de lui tendre, avec un stylo.
"Es-tu sourde ?"
Pour le coup, c'est littéral. Tu devrais l'écrire aussi, au cas ou, donc tu le fais. Tu ne connais pas du tout la langue des signes.
"Je dirai que ça n'est pas si grave que ça, mais que tu devrais garder de quoi écrire avec toi."
Téléphone et papier, des fois qu'elle perd l'objet technologique. Et tu fais attention, tu parles un peu moins vite, en te tournant vers elle. Les sourds-muets lisent sur les lèvres, pour la plupart. Autant l'aider, au moins un peu.
La blonde vint enfin à remettre un peu d'ordre dans cette cohue, provoquée par toi-même un peu contre ton grès. Hochant la tête face à sa question, ne serait-ce que pour confirmer une dernière fois ce que tu essayais avec désespèrement de leur expliquer depuis tantôt. Bien, au moins, le quiproquo semblait peu à peu enclin à être dissipé et tu allais enfin pouvoir continuer tes tentatives d'explorer cette ville. Il te fallait toujours un point de chute, un lit dans lequel passer la nuit notamment, mais tu ne savais pas vraiment si tu avais toujours l'envie de te battre à ce sujet.
Pour autant, ce n'était pas une situation exceptionnelle. Ce genre d'embarras, tu l'avais vécu toute ta vie et tu avais appris à faire avec.
- Vous avez raison. Je suis désolée.
Tu écrivais à nouveau sur le calepin, sachant pertinemment que ce n'était pas de ta faute si tu te retrouvais dans cette situation. Difficile d'apprendre à un handicapé comment mieux vivre son handicap. Car tu étais au courant de tout ça. Mais la technologie se trouvait être parfois capricieuse...
- Je vous comprend, adressez vous à moi en me regardant.
Par là, tu faisais comprendre que tu savais lire sur les lèvres, cela aidait grandement à un échange éventuel.
- Je suis une touriste venue explorer la ville.
Ecrire sur un calepin était plus long que faire des signes, mais au moins, pas d'incompréhension possible.
Elle est désolée. Devrait-elle vraiment l'être ? Tu es un peu dure - tu as tendance à dire qu'il faut être prêt à tout - mais la jeune n'est pas la seule coupable dans cette histoire.
"Ça n'est pas grave, mais il faut simplement faire attention. Je pense qu'il est plus simple pour toi de considérer que personne ne te comprend."
Tu exagères exprès, mais c'est l'idée. Ça lui permettra de mieux se préparer et s'organiser.
"J'en prends note. Je vais essayer d'y faire attention."
Ça n'est pas tout les jours que tu causes avec des personnes sourdes et malentendantes, autant dire que ça te demande un peu d'adaptation.
"Alors bienvenue à Nepthe ! Je présume qu'il y a mieux comme accueil."
Ça arrive parfois. C'est une question de chance, souvent.
"Je connais très bien le coin, si vous désirez avoir des idées, je peux vous conseiller. Y compris pour les endroits adaptés pour les personnes avec des problèmes auditifs."
Tu n'as pas toute la liste en tête, mais elle se trouve facilement.
Ce qu'elle te disait, tu ne le savais que trop bien. Haussant les épaules, tu te satisfaisais de savoir que désormais que le quiproquo avait été balayée, la femme était des plus accueillantes. Cette malheureuse rencontre s'était finalement transformée en véritable chance. On ne rencontrait pas forcément de locaux à même d'aider des touristes maladroits comme toi.
- Vous rendez cela quand même plus agréable.
Tu souriais en lui montrant tes mots écrits sur le calepin. Malgré les déconvenues il fallait trouver le positif en toute chose. Et cette femme était une véritable aubaine pour toi. Bien que tu étais du genre à profiter en solitaire des découvertes de ce monde, avoir un peu d'aide surtout dans une ville qui t'avait jamais montré son hostilité n'était pas de refus.
- Y'a t'il des spécialités locales ? Je ne me suis pas très bien renseignée sur la ville.
Erreur typique de touriste mal préparé. Mais tu avais une excuse, tu n'avais pas arrêté de marcher pour venir jusqu'ici. Tu t'étais laissée allée un peu au grès des vents, puisque de toute manière tu étais ignare de bien des choses sur ce monde.
- J'aimerai tout voir.
En écrivant cela, tu faisais comprendre que tu ne cherchais pas spécialement à te limiter à ton handicap.
Enfin, même si toi et la notion d'agréables, c'est particulier. Tu peux être très ouverte, mais également très froide. Parfois tu désires être tranquille, et si tu veux de l'espace, tu sais très bien faire.
"J'aime dire que nous avons le meilleur fromage de l'empire."
Tu ne mens pas. Ce n’est pas ton genre. C'est juste vrai. Les autres sont juste jaloux, c'est tout.
"Et si vous aimez les patates le fromage va à merveille avec. "
Comme dans toutes les régions montagneuses, il est vrai.
"Pareil si vous aimez les friandises et desserts qu'on a tendance à faire frire. "
Les spécialités de montagnes, toujours plus grasses. C'est pour contrer le froid.
"S'il s'agit de voir, je conseille de regarder les trajets de randonnées, il y en a de superbes. Nous avons également un musée des mines."
La principale activité économique de la région. Enfin, avant le cataclysme... Ça se relance doucement, c'est ce qui compte.
Le meilleur fromage de l'empire ? Tu venais de Venetiae et tu avais donc vraiment du mal à y croire. Chez toi, le fromage était une fierté locale. Pour autant, tu n'en disais rien, ne voulant pas t'aliéner la seule personne qui avait bien voulu perdre un peu de temps avec toi. D'ailleurs, tandis que tu lisais activement sur son visage, tu venais à écrire sur le calepin, pour briser la lenteur naturelle qu'était de communiquer avec une sourde.
- Je vous remercie pour votre aide. Je ne sais même pas comment vous vous appelez pour pouvoir vous remercier.
Tu affichais une mine un peu peinée. Après tout, même si tu étais sourde, cela ne t'empêchait pas d'accorder de l'importance aux noms. Surtout des personnes aussi charitables que celles-ci.
- J'espère ne pas me retrouver encore en défaut avec les habitants de cette ville.
Vu l'agressivité locale tu ne pouvais pas compter sur le fait que tout le monde soit aussi sympathique que cette femme. Pourtant, croire en la bonté des gens étaient toujours préférables que d'envisager le pire. - Comment puis-je vous remercier autrement que par des mots ?
Elle ne semblait pas être femme a être dans le besoin mais quand bien même. Elle t'avait sorti d'un sacré guêpier.
"Oh, c'est normal. Quitte à connaitre le coin, autant que ça serve."
Après tout, c'est ton taff. Enfin, une partie de ton taff, la communication. Il faut montrer que Nephte est vivante et dynamique. Les mots c'est ton domaine, il faut être accueillant, et à tous les niveaux. Dommage que ça n'est pas aussi efficace que ça pourrait l'être.
"Encore ? C'est-à-dire ?"
Et surtout, est-ce qu'elle parle d'ici, ou d'une autre ville ? C'est vague, et même si savoir ne change pas grand-chose pour toi... tu es curieuse. Mais en soi... oui, tu t'en fichez. Ça n'est qu'une personne parmi tant d'autres.
"En visitant et en profitant de l'endroit ? Ça n'est pas comme si j'ai besoin d'être particulièrement remercier. Mais merci pour la proposition."
Après si elle insiste tu ne vas pas refuser, mais ça serait un peu ridicule.
- Je regretterai de devoir reproduire cette scène avec une autre personne.
Nepthe restait une ville plus modeste en comparaison des mastodontes comme la capitale ou Carteia. Pas étonnant que les habitants étaient plus soudés aux traditions et plus hostiles à ce qui sortaient des standards habituels. De ce que tu avais saisi, c'était un endroit qui avait été beaucoup meurtri par la Cataclysme. Pas autant qu'Arpinium mais pas loin. Si les reconstructions n'avaient pas reprit pour faire revivre l'esprit de Nepthe, tu n'aurais sans doute eu que l'écho des fantômes du passé comme seule compagnie dans ton exploration. De ce fait, il n'en restait pas moins agréable d'avoir une personne en vie à même de vouloir t'aider.
On pouvait bien te hurler dessus que c'était toujours mieux que de faire face au silence de la mort, même pour une sourde.
- Et que faites vous-ici ? Quelle est votre fonction ?
Elle n'avait pas décliné son identité, soit, peut-être pourrais-tu en apprendre davantage sur elle autrement ? Tu te doutais bien qu'elle n'était pas guide pour personne handicapée. Du moins que son rôle n'était pas contraint à cela. Elle semblait être respectée vu la réaction de l'homme lors de son arrivé. Etait-elle une personne importante au sein de l'Empire ?
"Ça serait dommage, en effet. Mais vous avez maintenant de nouvelles méthodes pour éviter le pire, n'est-ce pas ?"
Tu exagères, tu n'as pas véritablement proposé de nouvelles solutions. D'une certaine manière il est assez injuste que ce soit la personne en désavantage qui doit faire plus d'effort que les autres.
"En espérant que ce genre de situation se produise moins souvent pour vous."
Ce qui n’est agréable pour personne... et surtout pour elle. Rien de pire qu'être incompris et engueulé pour ça, non ? Tu es certaine qu'une certaine population au sud pourrait sortir un tel discours. Dommage pour eux, tu as d'autres préoccupations. Cruel ? Surement. Chacun ses choix.
"Disons que je travaille dans la gestion."
C'est pas entièrement faux, c'est simplement oublier de préciser certains détails, voilà tout.
"Dane le relationnel également."
Et dans les négociations. On ne veut pas te voir négocier. N'y faire un discours. Tu es très forte pour ça.
"Parler pour d'autres, d'une certaine manière. "
Tu en dis presque trop, mais c'est tellement vague que toutes les possibilités existent.
Encore une fois, elle en disait à peine pour se montrer aimable mais pas assez pour t'apprendre quoi que ce soit. Tu n'avais ni son nom, ni sa profession. Son visage ne te disait rien mais la réaction de l'homme face à son autorité naturelle te laissait perplexe. Et en même temps tu ne voulais pas la mettre plus que cela dans l'embarras. Elle t'avait aidé sans rien demander en retour, si ce n'était implicitement, un peu de discrétion quant à la personne qu'elle était.
Du moins c'était ainsi que tu comprenais la chose. Ta lecture des lèvres était précise et entraînée mais peut-être avais-tu louper un détail ou deux dans ses paroles ? Qu'importe. Tu n'allais pas prendre le risque de te perdre en maladresse, à la faire répéter ou non bêtement une chose qu'elle ne voulait pas clamer haut et fort.
- Je vous remercie pour tout dans ce cas.
Tu écrivais cette fois-ci d'une main plus véloce, plus précipitée. Tu ne voulais pas lui faire perdre davantage de temps qu'importe son véritable métier. Cela devait être important et tu ne l'étais pas. Te penchant alors avec respect vers elle, comme pour saluer sa générosité, tu ne comptais pas étendre davantage cette discussion. Sans doute pourrais-tu la rencontrer à nouveau à l'avenir ? Si le monde te perdait une nouvelle fois en embrouille futile ?
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