Tu fais un brin de causette avec la rouquine durant votre trajet vers le fleuriste, espérant que ça l'aidera à se détendre un tant soit peu mais l’effet escompté n’est pas au rendez-vous. Elle continue de pianoter sur son smartphone pour communiquer. Si la pratique te paraît étrange, tu t'en accommodes pour l’instant. Il faudra certainement trouver une explication si on vous pose des questions mais il n’y a pas de quoi s'inquiéter pour l’instant. De toute façon, si on vous pose des questions cela veut dire que vous aurez bien d’autres problèmes à gérer. Tu pries juste pour que ce comportement n’attire pas l’attention. Tu pourrais réprimander la chose mais t’en abstiens. Elle doit avoir ses raisons d’agir de la sorte.

- Six ans… C’est tôt. Parce qu’elle n’a pas l’air bien vieille. Enfin… Tu hausse les épaules. Tu es mal placée pour juger - tu as toi-même rejoint la révolution alors que tu sortais à peine de l’enfance - et ce n'est pas ton intention. Parce que toute aide est bonne à prendre, d'où qu'elle vienne.

Edwin finit enfin par vous rejoindre. Et si Emily semble avoir du mal à se prêter à la petite mascarade que tu as mise au point, Edwin paraît y être aussi à l’aise qu’un magicarpe dans l’eau. Dans une autre situation, son phrasé aurait certainement pu être hilarant mais votre situation requiert du sérieux. Tu joues le jeu, échanges des banalités avec lui avant de laisser Emily entrer en action. Elle se fait passer pour muette, la meilleure excuse pour justifier son silence forcé. Est-ce que le ranger y croira ? C’est pas l’important. Chacun a maintenant une couverture à tenir.

Et la tienne manque bien de sauter alors que la rouquine vient saisir ta main et l’enlacer à la tienne. Tu dois faire un effort surhumain pour ne pas sursauter à ce contact. T’es plus habituée à ça, le toucher d’autres individus de ton espèce. Ça te parait étranger, pas naturel.

C’est quoi ce truc ?

Il y a quelque chose qui repose au creux de vos mains désormais unies. C’est petit, en plastique, tu supposes, mais difficile d’en savoir plus dans ces conditions.

- Excuse-la. Elle est timide et n’a pas l’habitude de voir des inconnus. Lances-tu avec un sourire aimable qui doit paraître bizarre pour qui connaît ton habituelle moue de férosinge. Mettons-nous en route alors. Comme ça, je te ferai visiter le centre-ville ensuite.

Tu inities le mouvement. La main de la plus jeune toujours enfermée dans la tienne. Tu attends un instant avant de la lâcher, ne voulant pas que ça paraisse suspect. En attendant, tu parles de banalités avec Edwin. Vous inventant à tous les trois une vie et des souvenirs que vous n’avez pas. Libérant enfin dans ta main de celle d’Emily, tu la glisses aussitôt dans ta poche et laisse tes doigts courir sur les deux petits objets. Tu arrives enfin à en identifier la nature.

Des oreillettes ?

Pourquoi ? Tu n’en sais rien mais il doit y avoir une raison. Au vu de leur nombre, il y en a certainement une pour Ed.

- Raaaah ! Ça fait vraiment plaisir de te revoir tu sais ! Enjouée, tu enroules ton bras autour de celui d’Edwin, comme on le ferait avec un vieil ami. Tu vas même jusqu’à envelopper son visage dans l’une de tes mains de sorte à attirer sa joue contre tes lèvres. Tu y colles un baiser affectif. Si la chose peut paraître touchante vue de l’extérieur, la manœuvre n’a pas d’autres buts que de coller vos deux corps de sorte à ce que tu puisses glisser l’oreillette dans sa poche avec discrétion.

Le reste du chemin se passe le plus naturellement possible. Vous arrivez à bon port, sans aucune embuche. L’endroit est calme et désert, si bien que tu aurais pu exposer tes plans dès votre entrée mais tu continues ton petit cinéma. On n'est jamais trop prudent après tout.

- Merci à tous les deux pour avoir répondu à l’appel. Le ton et l’expression changent, le naturel revient à la charge mais une lueur de reconnaissance sincère luit au fond de tes prunelles sombres. Sans ces deux-là. Cette opération aurait été bien plus compliquée et dangereuse. Je n’ai pas exposé la situation à Cyri donc je vais le faire. Toujours droite devant la tombe d’un inconnu à qui tu sembles pourtant rendre hommage, tu lances un regard en coin vers la rouquine. La branche armée va lancer une double attaque contre l’Empire. J’ai surtout besoin de votre aide pour mettre en berne les systèmes de surveillance de la centrale hydroélectrique durant quelques minutes. Assez pour atteindre la salle des machines. Tu n’en dis pas plus. Moins il en sauront et mieux ce sera pour tout le monde. La technologie est loin d’être mon domaine d’expertise. J’ai les connaissances d’une personne lambda sur le sujet. Aussi ai-je besoin d’experts. Mais vous pouvez toujours aussi vous rétracter. C’est déjà pas mal d’avoir pris des risques pour me rencontrer. Tu laisses une porte de sortie ouverte. Si tu peux faire ton maximum pour protéger les deux nerds en leur divulguant le moins d’information possible et en les tenant le plus possible à l’écart de l’opération Maeston Tea Party, ça ne reste pas sans danger, surtout pour Emily. Il n’y aura pas de retour en arrière possible. A partir du moment où les deux jeunes gens acceptent, cela veut dire qu’ils sont conscients de mettre leur vie en jeu. D’une façon ou d’une autre. Mais sachez que je vous serai redevable pour cette collaboration et que je suis prête à entendre et suivre toutes vos suggestions pour mener cette mission à bien.

Mais pour l’heure, il est temps de faire un choix.