Bon, cette réunion a été productive. Les grandes lignes ont été tracées, et même si les esprits sont échauffés ou érodés par la situation qui s'annonce cataclysmique, une dynamique semble se mettre en place… « C'est mieux que rien », se dit intérieurement Bruce alors que, lourdement, il se lève de sa chaise pour se diriger vers la sortie, et les bénédictions de la prêtresse…

Toutefois, alors qu'il s'attendait à passer sans trop de cérémonie sa marche après ce petit arrêt obligatoire, la dame le retient, voyant en ses yeux le trouble et le désordre, ces muscles faciaux trahissent des émotions qu'il peine à analyser, des rictus, des contractions, un regard qui fuit et ne se plonge jamais, mais en même temps, il ne pouvait pas le lui reprocher.

La vie lui a donné de sacrés coups en l'espace de trop de temps : la menace, l'arrivée d'un Arceus avec trop peu de réponses, le poids des responsabilités sans le sens de la direction, la disparition de Samuel Machin qui le soutenait… enfin, un nom comme ça, Bruce n'ayant jamais été doué pour les retenir, ou même simplement daigné chercher pour les connaître. Toujours est-il que le trouble de la demoiselle le préoccupe, lui tord les boyaux d'une manière dont il s'est habitué, presque comme si les pouvoirs suggérés par les on-dit de la prêtresse ont une vérité qui le fait souffrir… car après quoi d'autre que le surnaturel pourrait provoquer en lui tant d'émotion contraire.

"J'ai besoin de te demander quelque chose, seule à seul"

Pris à partie, le silence de la salle devient pesant, palpable, et au fond du mercenaire, un Zacian et un Zamazenta se battent sauvagement. L'un partisant d'une fuite insensée se basant sur des fondements de mémoires et de regrets s'oublier, l'autre pour rester porté par ce sentiment de lien d'appartenance et de vérité, et au-dessus de cela Bruce, en pleine incompréhension et malaise face à ce visage, qui ne parvient pas à mettre de mots, à aligner des pensées logiques face à de simples mots... Voyant les actions, la fermeture d'une porte, l'emprisonnement que l'ancien soldat n'aurait normalement jamais laissé passer, mais qui, sous les reflets nébuleux du lac, semble pourtant si douloureusement libérateur

"C'est quoi ton nom, le vrai ?"

La réponse est si simple,

Si simple.

Il le connaît, et se résume en quatre syllabes. Il le connaît et était marqué sur sa plaque de militaire, et pourtant, les mots se suicident dans sa langue. Comme si à l'instant, la brume qui l'accompagne depuis si longtemps avait pris forme physique, égorgeant la réponse de l'amnésique… par réflexe le géant se retourne comme pour lui faire face ou fuir le visage de Madison…

là, devant, ce fantôme d'oublie et de souffrance, cette odeur de neiges et de sang, ces cris de soldats et d'enfants… lui… celui qui, subtilement, le détourne des recherches pourtant si simples. Jamais il n'a cherché ses antécédents, jamais il n'a demandé à Europa son origine… et tiens, jamais il n'a demandé le nom de Madison… Et il est là, mais voila qu'il s'étiole, que sa prise se desserre... ne serait-ce qu'un instant... Bruce se retourne à nouveau, un visage visiblement en douleurs, paniqué, emplie d'incomprension…

mais quelque chose,

une lumière,

un espoir

et deux mots qui s'échappes.

"Je... Bruce Campbell."