Birth by chaos

Le vent froid te pique les joues, te mords littéralement l’ensemble de ton visage. Ça te gèle jusqu’à la moelle, tellement que ça en devient douloureux. Il faudrait que tu te poses, que tu te réchauffes, que tu soignes tes blessures et que tu prennes du repos. Mais non, t’es là à fendre les cieux de Maeston à toute vitesse sur le dos de ta corvaillus, comme si vous cherchiez à gagner une quelconque course contre l’aube qui point à l’horizon. Tu cherches à retarder l’inévitable, le moment où tu devras affronter tes choix. En attendant, tu fends les cieux, fuyant la réalité autant que l’endurance de Sigrún le permet.

Ça ne devait pas se passer comme ça.

Il allait y avoir des imprévus sur cette mission, tu le savais. Il y a toujours des imprévus. Mais tu ne t’attendais certainement pas à voir le ciel se distordre sur une autre réalité. Tu ne t’attendais certainement pas à faire une rencontre du troisième type. Et tu ne t’attendais certainement pas à te laisser tenter par l’Obscur. Certainement pas, non.

Pourquoi t’as fait ça ?

C’est la question qui tourne en boucle dans ton esprit depuis que tu as pris les airs. L’hostilité des hautes altitudes te force à rester attentive à ce qu’il se passe autour de toi, à ne pas trop y penser mais cette question s’immisce dans ton esprit sans que tu ne puisses rien y faire.

Pourquoi ? Par faiblesse et facilité, dans un premier temps. C’était si déroutant de voir cet être venu d’ailleurs réduire en charpie et maîtriser ce que tu avais tant de mal à affronter, qu’il s’agisse du maître des Dragons ou de la structure de la prison. Avec une telle puissance entre les mains de l’armée révolutionnaire, le combat contre l’Empire deviendrait si pas équitable au moins plus aisé. Sauf que tu ne t’attendais pas à une telle tournure, à ce que l’on te propose un tel pacte : ton âme et celle de ton frère contre le reste de l’humanité. Et ça aussi c’était tentant. Et tu t’es laissée tentée, parce qu’au final c'est peut-être la meilleure des choses à faire.

Non. C’est faux !

Tu grognes alors que ta tête te lance de nouveau avec une violence inouïe. Et tu sais pas trop si c’est les séquelles de l’emprise de cette aura sombre sur toi, si c'est à cause de ton arcade ouverte ou bien à cause de ton débat intérieur. Sigrún en tout cas, prend ça comme un signal pour stopper sa course folle, celle que vous avez entrepris juste après ton réveil. C’est à peine si tu as pris le temps de t’assurer de l’état de Hubert et de Paz. Ils sont vivants, de ça, tu es sûre. Tu as mis le plus de distance entre vous, le plus vite possible. Pour ne pas à avoir à donner des explications sur des faits que tu ne comprends pas toi-même.

Tu as fui avec l’étrange pokémon et ensuite ?

Tu ne sais pas trop. Les images te reviennent par bribes alors que tu poses le pied au sol. Tu sais pas trop où vous êtes et c'est le cadet de tes soucis. Des images te reviennent en tête tandis que la douleur perfore ton crâne de part en part. Tu revois la fureur conjointe de Hogan et de l'Envoyé Obscur, tu revois les visages désespérés face à une mort imminente et contre laquelle ils ne peuvent rien faire. Tu entends de nouveau les cris, les suppliques. Tu revois le carnage à sens unique que tu as créé dans la prison, les dizaines de vies que tu as pris.

Qu'est-ce que tu as fait ?!


Vraiment ? Tu ne sais plus… Tu ne sais plus ce qui est juste ou pas. C’est une guerre, il y a des dégâts et des morts, c'est inévitable. Mais ça n’avait rien à voir avec une guerre ici. c’était juste un carnage. Un carnage dont tu es l’auteure. Observant tes mains tu comprends enfin qu’elle est le coût de cette alliance que tu as accepté. Tu comprends que c'est de tes mains que l’Empire sera rasé, que tu vas devoir trahir, blesser, tuer.

- Je… peux pas… T’as bien du mal à contenir les larmes qui s'échappent de tes yeux et même la présence apaisante de Sigrún ne te permet pas de trouver ton calme.

Tu n’as pas le choix. Il le faut. C’est la seule façon de s’assurer que plus personne ne revivra l’enfer imposé par l’Empire. Tout recommencé est la seule solution.

Tu secoues la tête, voulant chasser cette pensée intrusive que tu n’es même pas certaine d’être la tienne. Elle prend pourtant de plus en plus d’ampleur. Tu peux te battre à la loyale, oui. Tu peux raser l’Empire, arracher toi-même la tête de l’Impératrice et faire enfermer toute sa sale engeance mais qui te dit que d’autres ne viendront pas prendre sa place après ? Ça ne sera peut-être pas tout de suite. Ca arrivera peut-être dans cent ans seulement, mille ans peut-être mais un autre tyran verra le jour. C’est dans la nature humaine d’agir de la sorte. C’est un combat vain que vous menez, la Révolution et toi. Et peut-être que oui, la voie de la destruction est celle qu’il faut suivre. Il est peut-être temps que tu laisses libre court à cette rage qui bout dans ton sang, te consume un peu plus chaque jour. Peut-être deviendras-tu un monstre, oui, mais ça sera pour la bonne cause. Pour l’avenir de ceux qui seront sauvés.

Quelqu’un doit se salir les mains pour le bien de tous.

C’est la conclusion à laquelle tu arrives. Et à partir de cet instant, il y a plus de conflits intérieur, plus de colère, plus de rage.

Dès l’instant où tu as accepté le poids de tes actes et ta destinée, il y a plus eu que de la quiétude. C’est reposant comme sentiment. Tu souris, accueillant la lumière et la chaleur  de ce nouveau jour sur ton visage comme une seconde naissance.

Un nouvel être vient de naître. Un être prêt à répandre le chaos.