Après un périple animé par les gloussements incessants de ses deux loutres d’amour, Caspar s’était rendu dans un petit hôtel qui ne pique pas des scarabrutes afin d’y passer la nuit, prêt à entamer une journée à profiter de la brise fraîche et de la mélodie apaisante de la mer —tout en gardant à chaque instant un œil sur ses petits amis espiègles.

Accueilli par un faisceau de lumière matinal, le pêcheur se sert machinalement une tasse de café noir bien corsé. L’odeur qui enivre la pièce plaît à Ptibonom, qui s’approche, intéressé, du liquide puis s’enfuit brusquement une fois la truffe à quelques centimètres —c’est un petit bébé après tout. Lui, il préfère de bonnes croquettes et une eau minérale, à l’image de Touminus. La joyeuse troupe petit-déjeune et, une fois repue, prend la route en direction de la zone portuaire.

Caspar avait prévu cette petite escapade depuis quelques semaines. La veille, il avait préparé ses sacs avec soin, vérifié à de multiples reprises son matériel de pêche. Car il y va, dans un premier temps, pour son travail, mais également pour faire plaisir à ses pokémons qui apprécient changer d’air de temps à autres, voir le monde, et rencontrer leurs congénères.

Ptibonom sur une épaule, et Touminus sur l’autre, Caspar agrippe fermement sa canne à et emporte sa glacière. La ville se réveille doucement ; le vieux apprécie le calme, les bruits de véhicules passant quelques rues plus loin, le chant des goélises.

Après quelques minutes de marche, Caspar et ses protégés grimpent dans un bus. Touminus pique du nez lors du trajet, tandis que son dresseur commencent à assembler ses outils. Ils arrivent relativement vite, et aussitôt, le pêcheur se met à l’affût de l’endroit optimal où il pourrait lancer ses lignes —c’est-à-dire, loin des passants, des marins bruyants, des clients à la recherche de poisson frais. Il ne faut à Caspar qu’un prompt instant afin de dénicher un banc à l’écart, à l’extrémité de la plateforme de béton malmené par les vagues. Un petite parcelle de sable se tient juste à côté; une aubaine pour les petits loutres qui ne tiennent jamais en place.

Caspar s’écrase gracieusement sur le banc puis prépare ses cannes. Il agrippe le talon de l’une d’elle, passe le fil à travers ses anneaux et se prépare à de longues heures de patience. Ptibonom et Touminus chahutent déjà à quelques mètres. Le pêcheur lâche un gros soupir de contentement et s’adosse, s’étire. Il est ravi de ne pas être dérangé, d’être à l’écart du brouhaha urbain. Il sourit, déconcentré en observant ses pokémons. Caspar pose son menton dans sa paume, accoudé à son genou. Il fixe l’horizon.

Alors que le grincheux se penche dans le but d’attraper sa gourde, il aperçoit au loin, entre ses mèches de cheveux indomptables, une silhouette. Mais il suppose que cet individu tournera les talons bien vite afin de vaquer à ses occupations. Il se trompe lourdement. Caspar appelle Ptibonom et Touminus, inquiet par cet homme qui semble s’approcher vers lui. Pour quelle raison se dirigerait-il en sa direction, la mine hostile et visiblement d’ores et déjà indisposé. Il soupire à nouveau, cette fois-ci d’agacement prématuré. Caspar croise les jambes tout en maintenant son regard fixé sur la surface mouvante, dans l’espoir que son air désabusé dissuade ce trouble-fête.

Une ombre se dessine sur le sol aux pieds du pêcheur —il avait vraisemblablement tort, et ses deux petits pokémons s’échappent du banc pour venir tournoyer autour de l’homme.

« Ptibonom ! Touminus ! On a dit quoi au sujet des inconnus ? »

Caspar ne s’excuse pas, Caspar s’en fout. Il veut juste récupérer ses petits bébés. Il murmure quelques mots, leur intime de revenir, mais ils sont bien trop ravis de voir une nouvelle tête. Il se frotte le front.

« Tu peux pas bouger un peu, tu fais gigoter mes pokémons et ça va effrayer les poissons.»