Madison haussa les épaules et se resservit une tasse de thé face à l’évocation du Grand Cataclysme. « Des conséquences mais aussi peut-être même de la cause, révéla-t-elle, ses mots laissant planer un certain mystère, la nature aujourd'hui nous hurle de changer, que ce soit par des catastrophes naturelles ou à présent, la Menace Obscure. » Le diplomate resta circonspect. Il avait entendu parler de la Menace Obscure, annoncée par Genesis comme une forme de la fin des temps, ou quelque chose s’en approchant. Comme il l’avait dit à Madison, Gento était un homme de faits ; il n’était pas particulièrement convaincu par cette soi-disant menace… Même s’il admettait que des événements étranges avaient eu lieu récemment, rien ne les rattachait de manière concrète à cette promesse de fin du monde. Cependant, il y a bien un point sur lequel les certitudes du diplomate concordaient avec les croyances de la jeune femme : l’Homme empiétait trop sur la nature.

« Chacun a ses propres raisons de suivre le culte d'Arceus. Et s'il est le Créateur, il n'est pas le seul à avoir une influence, expliqua ensuite la propriétaire du refuge en sirotant son thé, chaque Pokémon légendaire a son propre domaine et en fonction des demandes et affinités de chacun on peut choisir de tourner ses prières vers untel ou un autre. » Une religion polythéiste, donc, pensa l’homme, intéressé par les propos de son interlocutrice, et toujours aussi curieux. « Par exemple, j'adresse mon respect et mon salut à Arceus tous les jours mais si j'ai une question ou besoin d'être guidée à propos de mes émotions je me tourne alors plutôt vers Créfollet. » Le diplomate acquiesça. La religion d’Arceus était plus répandue à Palera, contrairement à l’Empire, et il avait déjà eu l’occasion de voir des temples dédiés à ses différentes divinités, et même s’il n’était lui-même pas croyant, il comprenait parfaitement les dires de la jeune femme. « Je vois, dit-il, j’ai déjà par le passé vu des autels dédiés à Créfollet. Je sais que ma mère le priait beaucoup, ainsi que Xerneas, mais nous n’avons que très peu échangé au sujet de religion. Palera ne reconnaît aucune religion officielle, mais laisse chacun libre de ses croyances, tant qu’elles ne sont pas imposées à la société. » Sa mère était morte alors qu’il était bien trop jeune pour s’intéresser à la religion, se garda-t-il d’ajouter.

Très patiente, Madison répondit à toutes les questions de Gento au mieux de ses capacités. « Il n'y aucune règle stricte, seulement des directives. Les Pokémons et les Hommes sont des êtres égaux et par conséquent ils se doivent le respect mutuel, lui dit-elle, tout en caressant l’Évoli qui couvait l’œuf dans le petit panier d’osier, Néanmoins, étant donné qu'il y a des proies et des prédateurs dans ce monde, on ne peut pas vivre sans sacrifices. » La jeune femme marqua une pause. Gento sembla voir où elle voulait en venir, mais préféra attendre la fin de l’explication pour s’assurer d’avoir bien compris la jeune femme. « Tout est une question d'équilibre à respecter, et à maintenir. » Les Hommes coexistaient dans la nature avec les Pokémon. Il s’agissait de la vision de Palera, qui ne plaçait pas l’Homme au-dessus de la nature et des Pokémon, comme l’Empire, mais bien comme une part de cet ensemble. Madison semblait partager cette idéologie, que le diplomate connaissait très bien, en étant lui-même adepte. « Au-delà de l’aspect religieux, c’est également ma vision des choses », annonça-t-il.

Gento finit de boire sa deuxième tasse de thé, alors que Chrysanthème se rassurait de voir Madison moins inquiète. Elle s’était installée sur ses genoux, heureuse de rencontrer de nouvelles personnes comme à son habitude. « Quelle place occupent Créfollet et Xerneas dans le culte ? demanda-t-il ensuite, tu m’as expliqué que Créfollet était une figure mythique liée aux émotions, mais quelle place occupe-t-il au sein de la cosmogonie de votre univers ? » Une conversation qu’il n’avait jamais pu avoir avec un être cher, mais qui, désormais, par l’intermédiaire de Madison, pouvait avoir lieu.

Gento ne croyait pas au destin, mais il ne put réprimer un petit sourire nostalgique. Il était adulte, ayant désormais vécu la majeure partie de sa vie sans sa famille biologique, ayant même coupé le cordon ombilical avec sa famille adoptive, volant de ses propres ailes. Mais pour un enfant, rien ne manquerait jamais plus qu’une mère.