Tu n'as rien de prêt. Mais c'est loin d'être un problème, même à cette heure : le frigo est rempli et il ne te faut que quelques instants pour poser les yeux sur quelque chose qui serait aussi rapide qu'efficace. Quelques oeufs brouillés sur des toasts brouillés feront fort certainement l'affaire. Tu t'affaires donc pour les quelques minutes à venir, . Fort heureusement, la petite cuisine est à moitié ouverte sur le salon et il t'est possible de continuer à papoter avec ton aimée, et ce même si tu apprécies malgré tout de garder une petite distance avec elle, sans trop savoir pourquoi.

Eh, ne t'excuse pas... C'est mon choix qui nous a menés là. Un mauvais choix ? Non, c'est objectivement le bon, tu n'as aucun doute là-dessus : l'immobilisme ne t'a jamais caractérisé de toute façon. Mais ça reste malgré tout un choix que tu regrettes parfois. Ça ne fait pas de toi quelqu'un de bien, évidemment, et puis ça t'éloigne de tes proches, malgré tout. Tu ne sais même pas encore comment annoncer tout ça à Echo, mais tu as encore moins envie qu'elle l'apprenne d'elle-même. Et puis tu es convaincu que tu ne verras jamais le résultat de tes actions, d'une façon ou d'une autre. Tu soupires un peu, au dessus de tes toasts : aurais-tu du faire le choix inverse, avec tous les risques que ça impliquait ?

Tu n'auras sans doute jamais la réponse, alors tu revêts à nouveau ton masque souriant, parce que ta (presque) femme a besoin que tu sois là pour elle, et tu apportes les deux assiettes sur la table basse devant le canapé. Ça va aller, maintenant. Tant qu'on reste ensemble. De nos âmes liées, tout ça. Tu esquisses un sourire un peu cynique alors que tu cites le boug aux anneaux à qui Madison a choisi de se rallier. Tu t'assois à ses côtés, n'allumant pas d'autre lumière que la lampe à côté du sofa dont le verre coloré en rouge crée une atmosphère chaude et tamisée.

Là, tu glisses une main dans le dos de la femme aux cheveux bruns, pour l'attirer délicatement vers toi et lui mettre son assiette entre les mains. Parce que son contact te fait paradoxalement autant de bien que son éloignement ; ah, la dualité des affrontements divins. Mange, ça te fera du bien, souffles-tu en lui embrassant le sommet du crâne. Tout ira bien, aimerais-tu lui dire, mais tu n'aimes pas lui mentir. Ça ira, pour sûr, mais pas tout. Je t'aime. Là, ça va, tu ne mens pas.