Le brun faisait les cents pas dans son appartement. Est-ce qu'il avait bien pensé à tout? Est-ce qu'il était prêt? Est-ce qu'il en faisait trop? Pas assez? Il était perdu, au milieu d'un tas de pensées mêlées à des doutes parasites. Rei se contentait de le regarder se défouler, allongé bien confortablement sur le canapé. Il finirait bien par se calmer, de toute façon. Ce n'était qu'une question de temps.

Sa valise. Elle était toujours à l'étage, n'est-ce pas? Arsène gravissait les marches quatre à quatres pour rejoindre sa chambre. Il ne prenait qu'une toute petite valise de voyage, simplement pour emporter le strict nécessaire. Il ne comptait pas s'éterniser à Corvinium, peu importe à quel point la cité pouvait être agréable. Il n'y allait que par pure nécessité puisque c'était là que se trouvait la prochaine arène qu'il espérait conquérir. Il laissait échapper un soupir alors qu'il ouvrait la porte de son dressing. Dire qu'il y avait encore quelques temps, il avait maudit toute la discipline. Et aujourd'hui? Il était en route pour son troisième badge.

Le brun laissait sa main parcourir les différentes vestes qu'il avait à sa disposition. Du gris, peut-être? "Confiance et sophistication". Ce n'était pas vraiment dans le thème. Non. Marron, alors? "Stabilité et authenticité". S'il se rapprochait de l'image qu'il voulait renvoyer, il pouvait mieux faire. Sinon, noir, comme à son habitude. Quoique. "Authorité et pouvoir", non, c'était trop fort, trop strict. S'il prenait ce sport au sérieux, il ne voulait pas d'une image militaire. Ah, parfait. Bleu sombre: "contrôle et loyauté". Il relevait la tête vers ses cravates. Aucune hésitation. Il avait trouvé cette cravate verte, réminiscente des yeux de sa chère et tendre. C'était avec un sourire attendri qu'il la nouait autour de son cou d'un noeud parfaitement exécuté, malgré le manque de dextérité de ses doigts. C'était un talent dont il se sentait un peu fier, au fond, malgré sa futilité manifeste.

Après avoir récupéré sa sacoche avec son nécessaire de toilette, la sacoche supplémentaire qu'il avait préparé pour Olivia, le sac contenant sa couverture lestée et un tapis pour ses chiens, il ne lui restait plus qu'à descendre. Baskerville était déjà à la porte, impatient de partir en promenade. Quant à Pentoville, elle s'était étirée et baillait longuement. Il était clair qu'elle allait profiter du trajet pour continuer sa sieste. Ses autres pokémons, eux, étaient en sureté chez Calliope. S'il y avait bien une personne en qui Arsène pouvait avoir confiance, c'était bien sa soeur. Et puis, il ne partait que quelques jours, et s'il restait joignable, elle ne devrait normalement pas avoir de soucis.

— Allez, allons-y.

L'homme, accompagné de ses pokémons, approchait de sa voiture. Il ouvrait la portière arrière pour laisser son équipe entrer, tandis qu'il partait vers le coffre pour y ranger ses affaires. Il vérifiait une dernière fois, réfléchissait à bien avoir tout pris avec lui, s'il avait bien fermé sa porte à clé. Il était fin prêt. Il s'installait au volant, envoyait un rapide message pour prévenir son aimée qu'il se mettait en route, et démarrait son moteur, ainsi que la conduite automatique. Une technologie dont il ne pouvait vraiment se passer.

Il avait été décidé qu'Olivia devait, après avoir rendu visite à son amie à Nepthe, le rejoindre directement à Corvinium. Il lui tenait à coeur qu'elle partage ces moments avec lui, et si elle n'avait pas eu la possibilité de l'accompagner pour le badge précédent, il était ravi qu'elle soit là pour celui qu'il comptait bien gagner. Est-ce qu'elle allait seulement apprécier le combat? Si Arsène avait été élevé dans la plus pure éducation martiale, ce n'était pas le cas de sa moitié. Est-ce qu'elle allait trouver la rencontre trop violente? Est-ce qu'elle blâmerait ce choix d'aspiration? Fais chier. Lui qui partait de bonne humeur, il ne lui avait fallu qu'une minute pour angoisser.

Il faisait rouler ses boutons de manchettes entre ses doigts, alors qu'il essayait de ralentir sa respiration pour se calmer. Il n'y avait pas que le combat. Il y avait ce rendez-vous improvisé, aussi. Ce petit week-end en amoureux préparé à la va-vite, loin de chez eux. Était-ce inconvenant? Était-il malvenu de l'inviter à passer du temps ainsi, en dehors de leur ville, alors qu'il n'avait même pas été capable de la présenter à sa famille? Il n'avait pourtant aucune réserve la concernant, mais... Il était simplement si difficile d'approcher ses parents. Surtout lorsque sa dernière entrevue avec son père s'était terminée sur un malaise.

Et voilà que son coeur s'emballait. Sans qu'il ne puisse rien y faire, son esprit enchaînait les scénarios catastrophes à une vitesse folle. Lui en voulait-elle? Était-il trop passif dans leur relation? Devrait-il en faire plus? Que devait-il faire, exactement? Pourquoi était-il si compliqué de profiter de la plus belle relation qu'il lui avait été donné de vivre? Allait-il tout gâcher? Était-il déjà en train de suivre cette route? Il sentait la tête de Reichenbach se poser sur son épaule. Le plus simple serait peut-être tout simplement d'en parler avec elle, non?

La silhouette de Corvinium apparaissait dans le champ de vision du brun. Ce n'était pas une ville où il avait l'habitude de se rendre - il sortait assez rarement d'Ilerda en toute honnêteté - donc il ne comptait que sur son fidèle GPS pour se repérer. Quelques jours auparavant, il avait réservé une chambre dans un hôtel du centre-ville. Chambre insonorisée et non-fumeur pour ne pas qu'Olivia soit exposée à trop de stimulis sensoriels désagréables, qui pouvait tolérer la présence de Reichenbach hors de sa pokéball, avec petit déjeuner et repas compris pour ne pas qu'ils aient à cuisiner. Un petit nid parfait pour se détendre avec sa partenaire avant son combat d'arène. Certes, ils ne resteraient là que dans un laps de temps réduit, mais le brun n'avait eu aucune raison de lésiner sur leur confort.

Il trouvait sans mal l'établissement en question. Son aimée n'aurait normalement aucun mal à le retrouver ici, même s'il se tenait prêt à aller la chercher au besoin. Dans l'immédiat, puisqu'il était parti de chez lui en avance, trop en avance pour ne pas trahir son angoisse grandissante, il avait rappelé Pentoville et Baskerville dans leurs pokéballs avant de se rendre à l'accueil de l'hôtel. Il y récupérait la clé de leur chambre, y montait les affaires qu'il avait emporté, et redescendait attendre sa chère et tendre à l'entrée, son portable à la main.

Arsène l'attendait avec impatience. Il se languissait d'elle, plus qu'il ne pourrait jamais l'avouer, ne pensant plus qu'au moment où il pourrait enfin l'enlacer et l'embrasser. Il était heureux qu'elle aie pu rendre visite à son amie, sincèrement. Mais il aurait été mentir de dire qu'elle ne lui avait pas manqué. C'était peut-être exagéré compte-tenu qu'ils s'étaient vu récemment, mais ce n'était pas comme si le coeur du brun avait ne serait-ce qu'un semblant de raison. Il voulait la voir, la sentir, l'embrasser, la câliner, l'aimer.

C'est qu'avec tout ça, il en oublierait presque être venu à Corvinium pour son badge.