L'un des choses les plus compliquées dans la vie d'une dresseuse Pokémon était, une fois la facture de nourriture mensuelle acquittée, de décider qui amener avec soi d'un jour à l'autre. C'était tout particulièrement vrai ces jours où j'avais la motivation de me lever tôt le matin pour une promenade afin de laisser l'opportunité à mes compagnons de se dégourdir les jambes. Par défaut, j'avais tendance à opter pour mes Pokémons les plus petits, les plus passe-partout. Ceux qui attiraient le moins l'attention. Et, de fil en aiguille, j'avais l'impression de les favoriser à ceux qui étaient un peu plus inquiétants pour le citoyen lambda. Ainsi, en ce joli matin quelconque, j'avais décidé de faire changement.

Le premier qui s'était pour ainsi dire imposé à moi n'était autre que Beethoven. Si celui là faisait partie de ceux que je considérais comme mes privilégiés qui sortaient le plus souvent, il m'était néanmoins difficile, pour ne pas dire impossible, de lui dire non. Le chiot était si plein d'énergie, si adorable et si enjoué qu'il avait assez d'énergie pour deux. Je laissais donc son entrain nourrir l'abyme intersidérale de ma motivation à quitter mon nid pas si douillet. Avait ensuite suivit Mahler, qui remplirait aujourd'hui le rôle de Bach, pour me permettre de conserver un certain sentiment de sécurité. Après venait Verdi, le Hawlucha énergique et plus qu'heureux d'avoir une chance de se dépenser, même s'il n'était pas forcément toujours conscient de l'image qu'il projetait pour ceux qui ne voyaient en lui qu'une arme. Ensuite il y avait le plus grand risque du jour : Paganini. Centré sur lui-même, sa façon de s'amuser consistait majoritairement de tours qu'il aimait bien faire aux dépends des autres. Étant une personne qui n'aimait pas m'attirer d'ennuis, il n'était donc pas difficile de voir pourquoi je choisissais plutôt une autre pokéball que la sienne lorsque venait le temps de sortir. Wagner, mon futur taxi personnel, était une tête forte qui ne s'entendait pas toujours bien avec les autres personnalités plus marquée de l'équipe. C'était risqué de le faire sortir en même temps que Paganini, mais je ne pourrais pas éviter certaines paires toute ma vie. Et, finalement, le dernier, mais non le moindre : Rachmaninov. Mon Ptéra qui se prenait pour un chien faute d'avoir la chance de passer du temps avec d'autres individus de son espèce. Si je le savais n'être qu'une grosse boule d'amour, le monde extérieur ne le voyait pas de cet oeil et sa maladresse pouvait vite être mal comprise.

Cette équipe atypique assemblée en une belle rangée de Pokéball, j'avais fini de me préparer pour gagner le parc. Je bâillais encore régulièrement, me retenant de justesse de me frotter le coin des yeux pour ne pas gâcher mon maquillage. Étant une adepte de la grasse matinée il était rare, pour ne pas dire légendaire, de me voir hors du lit à cette heure alors hors de la maison ?! Mais c'était un mal pour un bien. Il y aurait moins de monde au parc et, en conséquent, nous aurions moins de risque de déranger. Enfin, en théorie.

J'y crois pas...

Je m'étais arrêtée à l'orée du parc, découvrant d'un oeil vide (la faute à la poker face éternelle) que quelqu'un, potentiellement un psychopathe ou un truc du genre, avait eu la foi de se lever encore plus tôt que moi pour sortir et.... et.... courir. J'étais dégoûtée. Mais j'avais fait trop d'efforts pour tourner les talons maintenant et les heureux élus du matin étaient bien trop heureux d'avoir été sélectionnés pour que je rentre sans même les faire sortir. Et puis...

Un autre Ptéra...

Peut-être qu'au fond c'était le destin. Je soupire, hausse les épaules. Tant pis. C'est le moment de laisser sortir tout le monde. Beethoven est le premier, il s'ébroue avant de commencer à regarder partout, la queue battante. J'ai à peine le temps de sortir Mahler que, déjà, le chiot de feu s'est trouvé des amis. Autrement dit il s'invite dans la course à pied du petit groupe, faisant travailler fort ses petites pattes dans l'espoir de les rattraper. Ça commence mal. Au moins le gros pokémon psy reste à mes côtés, timide. Au moins lui est sage. Verdi ? Y'a des oiseaux qui court, évidemment il va vouloir faire la course aussi, montrer qu'il est le plus fort et peut-être leur apprendre à faire des pompes ou des poses de super-héros. Paganini, lui, les regarde en ricanant. Il se demande quel mauvais tour jouer au petit groupe. Peut-être qu'il pourrait faire trébucher quelqu'un ? Wagner, pour sa part, s'envole pour aller se poser dans un arbre et faire sa toilette. Il n'a pour les coureur qu'un regard de dédain, ne comprenant pas pourquoi ils s'abaisseraient à courir alors qu'ils peuvent voler. Et, bien sûr...

Rachmaninov !

Il a fait comme Beethoven et Verdi : il pourchasse le groupe pour les rejoindre. Juste voilà, c'est un poil plus imposant un Ptéra qui bat de la queue comme un chien, la langue dehors, et qui court jusqu'à un de ses semblables avec entrain pour en faire la connaissance. En même temps je peux comprendre, c'est la première fois qu'il rencontre un Pokémon préhistorique. Moi aussi je serais enjouée si je rencontrais quelqu'un d'aussi étrange que moi. Nouveau soupir de ma part avant que de me mettre lassement en route pour rattraper la moitié de mon équipe qui a décidé de se faire des amis. Avec un peu de chance je les rattraperai pour m'excuser avant qu'ils n'aient fait de trop grosses bêtises.