La période des révisions. Tu l’avais en horreur quand tu étais étudiant. Les examens ça n'a jamais été un grand plaisir pour toi. Oh, c'est pas que t'aies eu des difficultés particulières durant ton parcours, tu as toujours été relativement brillant. Non, ce qui te déplaisait dans cette période, à l'époque, c'était la pression ambiante, le trop de sérieux dans l'air, sentir les gens sous tension. Y'avait plus personne pour sortir et faire la fête, dans ces moments-là.

On pourrait penser que la chose aurait été plus plaisante de l’autre côté du pupitre mais c’est pire. Si tu pouvais glander en toute impunité quand tu étais étudiant et fournir le minimum d’efforts pour un maximum de résultats, la chose est bien différente depuis que que tu es chargé de cours.

Pourquoi est-ce que je m’inflige ça encore ?

Principalement parce que ça paie pas trop mal. Parce que même si tu viens d'une famille aisée et que tu sais que ton héritage pourrait te faire vivre un train de vie princier pour deux vies, il faut que tu gagnes ta croûte toi-même. La valeur de l’argent durement acquis, c’est une valeur que ton père a impérativement tenu à inculquer à tes frères et toi. Pourquoi t’être dirigé vers l'enseignement, cependant  ? Ca… Ça restera sans doute un des grands mystère de l’humanité. Même toi tu te le demandes alors que tu entames la pile de copies des premières pharmacos.

- Pitié… On peut pas arrêter le massacre ?

Tu sais que ca va être les pires. T’as pas envie d’affronter ses copies. Malheureusement, t’as pas le choix… Pas question d’affronter ça seul, cependant.


- Monsieur Solheim ! T'essaie de te glisser en douce dans la bibliothèque mais évidemment le hoothoot de cette chère Huguette t'as vu arriver à des kilomètres à la ronde. Tu lui sers ton plus beau sourire mais en vain, ça n'apaise en rien son air inquisiteur et sévère. On se demande à quoi sert votre bureau...
- Je suis plus productif quand je vois votre radieux visage voyons ! La flatterie ne fonctionne malheureusement pas. Aussi essaies-tu l'honnêteté pour une fois. Je n'arrive à rien tout seul dans ce bureau. Je me suis dit que m'imprégner de l' ambiance studieuse aiderait. Je vais me trouver un coin au fond et je serais silencieux, je le promets.
- Si j'étends le moindre remue-ménage, je vous mets dehors, c'est bien compris ? C'est un espace de travail ici. Suis-je bien claire ?
- Aussi claire que de l'eau de roche !

L'idée d'ajouter un salut militaire et un "mon général" te passe par l'esprit mais tu te ravise. T'as récupéré un droit de passage après deux semaines d'exil ça serait con de gâcher cette chance sur une pitrerie inutile. Tu ne peux cependant pas t'empêcher de lui envoyer un baiser volant du bout des doigts avant de t'en aller t'exiler dans les très fonds de la bibliothèque universitaire.

Période d'examen oblige, l'endroit est bondé d'étudiants, même dans les recoins les plus isolés. Heureusement tu trouves une place sur une table à l'écart, seulement occupée par une femme à la crinière flamboyante.

- Bonjour. Ça te dérange pas si je me poses ici ? Promis je serais calme. Quoiqu'elle dise, t'es déjà assis de toute façon.

Et tu essaies de l’être. Mais le calme ne sera que de courte durée. Il ne t'aura fallu qu’une quinzaine de minutes et encore moins de copies pour commencer à maugréer dans ta barbe et à jouer des notes exaspérantes avec ton stylo bille. Tout ce cirque insupportable atteint son paroxysme quand ta tête vient percuter bruyamment la surface de la table d’études, très vite suivi d’une complainte pleine de regrets. Reste à savoir si c’est de douleur ou de dépit.

- A se demander à quoi ça sert de faire des permanences et des sessions de révisions. Un énième soupir à fendre l’âme t’échappe. C’est pas faute d’avoir essayer de mettre des moyens en place pour aider tes élèves à affronter les examens pourtant… Ou alors c’est moi qui suis nul… ?

Tu fronces les sourcils un instant, réfléchissant sérieusement à la question. Ça ne dure pas longtemps cependant, t’as ni l’envie ni l’énergie pour ça. Tu veux juste en finir avec ses copies, quitter la faculté et aller t’amuser. Malheureusement, faut que tu finisses ce paquet avant demain.

- Qu’est-ce que tu étudies ? Demandes-tu à ta voisine de table, alors que ta tête repose toujours sur celle-ci.

Ca fait un moment que tu l’observes travailler maintenant. Tu as bien mieux a faire mais bon toute distraction est la bienvenue, n’est-ce pas Shaïm ? Au moins ça aura eu le mérite de te faire taire pendant cinq minutes.