Il ne savait pas vraiment à quoi il s'attendait, en faisant pareil confidence. Ou peut-être que si, il le savait. Qu'il savait exactement qu'elle allait le repousser. Parce que c'était là la meilleure chose à faire. Il pourrait ainsi la protéger de lui-même, et du poids mort qu'il représentait. Elle serait libre de trouver mieux. S'il devait souffrir dans le processus, ce n'était pas grave. C'était pour le mieux.

— Excuse-moi, avait-il dit d'une voix involontairement austère.

Il s'écartait d'elle comme si le corps d'Olivia était fait de braise. Il s'était rassis plus droit, de manière presque militaire, malgré la fatigue qui essayait de lui faire courber l'échine. Il regardait droit devant lui, tandis que ses larmes se faisaient plus rares. Tant mieux. C'était une bonne chose. Oui, c'était le mieux. Il s'était déjà trop imposé, en avait déjà trop fait. Dans l'excès, autant dans ses mots que dans ses gestes. Maintenant qu'elle avait eu la preuve qu'il était inapte, la question d'une relation était toute réglée, n'est-ce pas?

Sans un mot, il se relevait, sans jamais oser croiser à nouveau le regard d'Olivia. Arsène ne le pouvait tout simplement pas. Parce que s'il se plongeait à nouveaux dans ces beaux yeux verts, s'il revoyait ce beau visage qu'il avait vu rougir, ces lèvres dont il se languissait encore, il aurait de l'espoir. Un espoir qu'il ne devrait pas se permettre, pas aux dépends de la jeune femme. Il tournait ensuite les talons pour s'isoler dans la cuisine ouverte. Juste un instant. Un peu à l'écart. Parce qu'autrement, il allait faire un malaise.

Le brun avait ouvert son frigo pour s'y cacher une seconde, pour profiter du froid sur son visage un moment. Pour se remettre les idées en place, peut-être. Que dire de plus, après une telle déclaration? Qu'il était désolé, qu'il s'était trompé et qu'il était prêt à être heureux? Non, parce que ça aurait été un mensonge. Il croyait ce qu'il disait, sincèrement. Il croyait être une perte de temps. Mais ce n'était pas tant qu'il se refusait le bonheur. Il en avait été privé pendant si longtemps qu'il ne savait simplement quel goût cela pouvait avoir. Ça lui faisait peur, de ne pas savoir. De peut-être ne jamais savoir. Ça lui faisait mal, aussi. Mais cette douleur, au moins, lui était familière.

Allez. Il n'allait pas rester ainsi indéfiniment. Il attrapait une bouteille d'eau fraiche, comme si c'était pour ça qu'il s'était éclipsé à l'origine. Toujours silencieux, Arsène posait la boisson sur la table basse, et se réinstallait en gardant un peu de distance. Sauf qu'au lieu de rester assis, il se laissait glisser jusqu'à être allongé au sol, reposant la tête sur le coussin dans lequel il avait étouffé son amour un peu plus tôt. Il posait ses mains sur son ventre, les doigts entrecroisés pour s'empêcher d'aller chercher celle d'Olivia à nouveau. Il fixait le plafond de ses yeux rougis par la peine. Ne pas la regarder, pour ne plus espérer.

— C'était égoïste de ma part de chercher du réconfort dans tes bras ainsi. Pardonne-moi.

Maintenant qu'il était allongé, il pouvait se recentrer un tant soit peu. Reprendre le contrôle de ses paroles et de sa diction, au moins pour sauver les apparences. Il était toujours bien évidemment hors de question de la regarder en face, sans quoi il risquerait de faillir à nouveau. Peut-être aussi cela suffirait-il à lui rendre le contrôle de ses émotions. Du moins, c'était ce qu'il espérait. Parce que dans les faits, le brun était encore terriblement à fleur de peau. Transit entre la fatigue, l'amour et la peine, son coeur ne savait plus dans quel direction battre la mesure, se contentant de frapper ses côtes jusqu'à s'échapper de sa poitrine.

— Tout comme ça l'est de vouloir que tu sois mienne maintenant. Alors qu'il ne serait qu'un poids pour elle, dans l'immédiat. Alors que je... ne sais plus comment être heureux. Quelques larmes naissaient au creu de ses yeux, alors qu'il étirait un sourire douloureux. Je ne saurais même pas par où commencer. Et il se rendait compte qu'il allait à nouveau trop parler. Il se crispait d'un coup. On est pas en séance, putain! Il avait frappé du poing contre le sol, son corps entier se crispant sous le poids de la douleur. Sa main était terriblement tremblante, les cicatices exacerbées par la tension. Excuse-moi, Olivia. Je... J'étais pas comme ça... avant...