Chers membres dévoués de Genesis. C'est comme ça que débutait le courriel. Un sentiment de malaise s'était imposé à moi, mais j'avais continué à lire. J'étais passée outre la formulation. Le texte parlait d'une situation inquiétante, de la présence humaine qui nuisait au bien-être des Pokémons habitant le Canyon Rouge. Je m'attendais à des demandes de dons financiers, quelque chose de cet acabit. Mais non, c'était plus sérieux, et donc beaucoup plus pressant, que cela. Une contamination toxique ?! Je mettais de côté mes appréhensions, mon inconfort. Je continuais à lire en diagonale pendant que je m'empressais d'ouvrir mon téléphone, de naviguer jusqu'à mon horaire de travail pour définir mes disponibilités.

Enfin une occasion de venir en aide à des pokémons. N'était-ce pas justement ce qui m'avait attirée chez cette organisation non gouvernementale à la base ? Rien de ces histoires de menaces obscures, de ces croyances rocambolesques qui nuisaient à l'image renvoyée par Genesis. J'étais là par amour des Pokémons, par respect pour l'environnement. Telles étaient les causes qui me motivaient et qui m'aidaient à ne pas avoir honte de leur verser un montant chaque mois. Qui ne me donnaient pas envie de retirer la petite carte en carton que j'avais dans mon portefeuille de peur qu'on me prenne pour l'un de ces hurluberlus. Et maintenant, enfin, je pourrais mettre mes connaissances à profit pour une cause qui en valait la peine. Qui n'encourageait pas plus de violence, qu'on la considère comme étant justifiée ou pas.

Dans mon courriel j'écris plus que le nécessaire. Je m'informai des mesures de sécurité qui seraient mises en place pour protéger les volontaires de ces mêmes émanations toxiques. Il faudrait aussi s'assurer d'organiser efficacement toute l'opération, de prévoir des points d'ombre, de l'eau et de la nourriture pour tout ce beau monde, en plus potentiellement d'installations sanitaires. Je n'étais peut-être pas une membre très éminente de Genesis, et je ne le serais jamais d'ailleurs, mais lorsqu'il était question d'intervention sécuritaire je savais de quoi je parlais. C'était l'une des premières choses que l'on apprenait à l'école : on ne peut pas guérir les autres si on n'est pas nous-mêmes dans une situation sécuritaire. Il faut faire passer son bien-être et sa propre santé en priorité, aussi déchirant que ce puisse parfois être. C'est donc sans surprise que l'on avait donné réponse à mon courriel et que j'avais été sélectionnée pour venir donner un coup de main tant comme infirmière que comme coordinatrice d'une équipe de santé.

J'étais arrivée tôt le matin, vêtue d'un ensemble qui se voulait léger, mais aussi adapté au travail que j'aurais à faire. Des bottes de randonnée, un pantalon de toile et une chemise par-dessus un débardeur, histoire d'avoir des manches longues. Qui disait substance toxique disait nécessité de se recouvrir la peau après tout, mais j'avais opté pour des tissus clairs histoire de minimiser l'impact de la chaleur solaire. Ma chevelure turquoise était attachée bien haute et j'étais flanquée de mes deux boules roses : Titania et Belinda. La première beuglait pour apostropher des gens et leur remettre leur horaire de la journée alors que l'autre, douce et souriante, leur donnait plutôt des bouteilles d'eau tout en leur rappelant de ramener leurs bouteilles vides à la récupération. Pour ma part ? Je vérifiais ma propre liste de choses à faire, priorisant certaines tâches et voyant ce qu'il me restait à accomplir avant de pouvoir concrètement participer à l'opération.

Dans l'immédiat ? Je devais aller rencontre la toxicologue qui s'était portée volontaire depuis Syene pour nous venir en aide. Il était important d'identifier la substance qui se déversait afin de jauger du danger que cela pouvait poser à l'être humain et aux pokémons des volontaires pour prendre les précautions nécessaires avant de se mettre en oeuvre. Certains qui étaient arrivés particulièrement tôt piétinaient d'ailleurs, impatients de donner un coup de main sans se soucier de leur propre sécurité. Ceux-là même se méritaient les gros yeux de ma grodoudou, accompagnés de remontrances qui avaient de quoi rappeler une mère sévère, mais décidée à garder tous ses gamins un peu con en sécurité.

Commençant moi-même à être impatiente, j'attrape le talkie-walkie qui m'a été confié et qui repose à ma ceinture pour entrer en contact avec l'heureux élu qui a été choisi pour accueillir les volontaires sur le site.

« Des nouvelles de la toxicologue ? Ça commence à s'impatienter ici. »