Cette main humide qui ne fait qu'essuyer larmes par-dessus larmes se fait saisir et tu grimaces sous la force à lequel il te tient, à laquelle il te tire, mais tu n'émets par de commentaires, furieuse. Tu secoues ton bras, tentes de lui faire lâcher prise alors qu'il s'énerve. Et tu figes lorsqu'il parle de Blair, parce que ça te ramène à votre discussion dans les jardins, cette discussion sur les marques dans son cou, sur le fait qu'il n'avait pas de volonté, d'objectif, de sens à sa vie. Et tu te demandes à quel point Even en sait sur ce sujet, s'il sait ce que tu ne sais pas. Et tu ne fais que pleurer encore plus lorsqu'il mentionne qu'il ne veut pas te laisser seul, qu'il fait attention. Parce que toi, tu ne réalises pas l'ampleur de la menace autour de toi à chaque fois que tu travailles. Parce que tu es un traître dans la fourmilière et que s'il le découvre, tu sais déjà ce qui arrivera de toi.

Sauf que tu n'as pas le temps de penser à ça. Tu es figée, pétrifiée, surprise. Il a lâché ta main, mais tu as envie de la tendre vers lui, pour essuyer les larmes qui coulent de ses yeux. Tu t'en fiches qu'il te crie après, même si tu sursautes à chaque fois qu'il parle, que tes épaules sautent à chaque mot. Et tu fermes les yeux sous le son de la table qui se fait bousculer, sur cet excès de colère à laquelle tu ne t'attendais pas. Tu le savais explosif, mais peut-être pas à ce point. Et il y a ce pauvre caninos qui se met à japper contre Even, contrarié par sa façon d'agir. Tu te penches vers Norton et le prends dans tes bras, tentant de le calmer, l'ambiance étant plutôt chaotique avec les cris de l'un et les sons de l'autre. Tu vois même ton Ectoplasma qui se sauve à travers les murs, comprenant que l'heure n'est pas à la blague. Et à travers tout ça, tu n'arrives pas à en mettre une. À parler ne serait-ce qu'une fois et tu crois - quelle utopie - que ce sera ton tour de parler, sa voix s'étant adoucie sauf que tu le vois s'éloigner, tu le vois juste partir.

Et tu t'écroules au sol, en ne voyant que son dos puis la porte se fermer. Tu déposes ton pokémon au sol, tu cours derrière lui, ouvre cette porte et hurle son nom. Autant que tu sais qu'il a besoin d'espace, autant que tu sens l'air te manquer, que ta poitrine se serre en voyant que son dos disparaître dans l'horizon. Tes genoux touchent le sol de l'entrée et tu sens Neri qui vient se coller à toi, qui se glisse sous ta main. Tu sens Norton qui vient lécher tes larmes, tentant d'étouffer le sentiment d'angoisse et de panique qui te grugent de l'intérieur. Tu finis par appuyer ton dos contre la porte, ramènes tes jambes contre toi et tu regardes au loin. Tu attends, caressant d'une main distraite les pokémons qui sont venu te rejoindre, les rassurant du mieux que tu peux, mais le coeur n'y ait pas. Ton coeur est partie avec lui et tu restes là, en larmes.  

Après une heure, tu finis par te lever, engourdie au sol. Ton corps est las, lourd, mais tu retournes à l'intérieur, ouvre cette porte qui grince maintenant, le claquement l'ayant sorti d'un gond. Sauf que ce sera quelque chose à gérer pour les vous du futur. Toi, tu te concentres à remettre la table à sa place. Tu nettoies le verre qui a cassé au sol, verre que tu avais posé sur la table avant qu'il n'arrive. Tu te coupes au passage, évidemment, et prends le temps de mettre un pansement avant de poursuivre. Armée de gants de vaisselle, tu t'attaques à cette casserole que tu as brûlé, tu essaies parce que c'est la seule chose que tu peux contrôler en ce moment, la seule chose qui te semble moins pénible que de prendre une douche habillée comme la dernière fois, quand tu as annoncé à Leslie que tu étais dans la révolution. Mieux que d'aller dans ton lit et de simplement pleurer. Au moins, tu te concentres sur quelque chose..

Tu entends le grincement de la porte et tu lâches tout. Tu enlèves les gants jaune pikachu et les laisses suivre leur vie en les lançant tu-ne-sais-où. Tu as encore de la mousse sur les bras par contre, faut pas chercher à savoir comment tu es mauvaise pour laver de la vaisselle. Tu sors de la cuisine et tu l'attaques, littéralement. En fait, tu le lui laisses aucune possibilité de fuite parce que tu lui sautes dessus. Tu t'en fiches que vous tombiez à la renverse ou non, tu te dis qu'il pensera tout de même à t'attraper, parce que tu sautes comme un férosinge dans ses bras, tu accroches tes avant-bras autour de son cou et tu te colles à lui, cachant ton visage à côté du sien, approchant ta bouche vers son oreille.

▬ Ne pars plus jamais comme ça.

Parce que ton coeur te fait mal. Parce que tu détestes le voir partir dans cet état. Parce que sa voix résonne encore dans ton corps. Parce que tu as tout de même réfléchis à tout ça pendant que tu frottais cette fichue poêle qui commence à briller à nouveau. Sauf que, voilà, un petit caninos suit tes pas et lui, il n'est pas content de voir Even. Il jappe après lui et commence même à mordiller le bout de sa chaussure.

▬ Y en a un qui est pas très content de toi en tout cas...

Que tu lui dis en reculant ta tête pour le fixer dans les yeux. Tu plonges tes iris emplie d'inquiétude dans les siens et tu t'en fiches s'il est fâché ou non, il te laissera tomber au sol au pire, mais toi, tu as besoin de ce contact. Tu as besoin de lui crier que tu l'aimes, mais il y a eu assez d'haussement de voix. Tu colles tes lèvres aux siennes avec passion, malgré les larmes qui menacent encore d'envahir ton regard.