« OK. Cette fois-ci je ne me fais pas bolosser. » On venait d’annoncer le calendrier des compétitions pour cette saison et deux tournois faisaient de l’oeil à Shinichi. Le premier, au lac Maeston et le second au chenal. C’était l’occasion parfaite pour lui de prendre sa revanche ! Il s’était ridiculisé l’autre fois en ne terminant que huitième mais il allait laver son honneur ! La routourne va tourner. dit-il, confiant en sa capacité à finir dans le haut du tableau.
Shinichi s’était entraîné et il connaissait dorénavant bien la zone. En outre, il avait fait progresser son équipe et avait notamment capturé un Léviator doré ! Bref, selon lui il était impossible de perdre, si bien que, face à son Pokémon, il s’engagea dans une tirade douteuse « Je te jure que si je perds je … » Il regarda son Roigada avant de se raviser. Il n’allait rien dire. Hiruzen serait capable de le faire perdre sciemment dans l’unique but de le voir accomplir son gage.
Histoire de mettre toutes les chances de son côté, Shinichi se mit en tête de s’entraîner tous les jours pendant les cinq prochaines semaines ! Et son programme d’entraînement spécial commençait aujourd’hui ! Ainsi, il se prépara avec l’entrain qui le caractérisait pour une journée de pêche.
Armé de sa canne à pêche et de son courage, il quitta son humble appartement de Castra Nicia et se dirigea vers le fameux Lac Maeston, le théâtre de ses plus beaux souvenirs mais aussi des pires. C’était là-bas qu’il avait capturé son serpent des mers doré. C’était aussi là-bas qu’il s’était noyé devant Even …
Bref, une fois arrivé au lac, Shinichi posa son sac de pêche au sol et trifouilla dedans. Il sortit sa canne en fibre de carbone modestement nommée Attrappor3000 et fit sortir son Léviator de sa Pokéball. Il se retourna et vit une jeune femme, une spectatrice, une admiratrice pour sûr. « Ah, tu es en avance. La compétition est le mois prochain. Tu veux un autographe c’est ça ? Tu m’as reconnu ? Non ? Oui ? Au cas où c’est pas clair, je suis Shinichi Kitagawa, maître pêcheur, expert de la canne et de tout un tas d’autres choses. Et ça c’est mon Pokémon, Kaido. Il est beau hein ? Avec lui, je ne peux plus perdre. Le mois prochain, je les défonce tous. En particulier Mario. » Il faisait allusion là à son rival de toujours ! Celui qui l’avait empoisonné afin de rafler le gros lot la dernière fois ! « Bref, tu veux que je signe où ? Et au nom de qui ? » Il se voyait déjà en star, riche et célèbre. Le plus grand pêcheur de Maeston.
Un Éclats Glace manque de te refaire le portrait, il fuse à côté de ton oreille et l’entaille superficiellement sur son passage. L’assaut ne s’arrête pas là, mais Osme s’interpose et brise les nouvelles ogives à mesure qu’elles se présentent. L’offensive prend fin. « Je t’en supplie laisse-moi le temps de m’expliquer ! Je t’assure que ça n’était qu’un terrible mal-entendu… » Tu es désespérée de ne pas réussir à faire entendre raison à ton Stalgamin, capturé quelques jours auparavant. Tu ne l’a, certes, pas capturé dans les règles de l’art, mais c’était ta toute première fois il faut dire ! On ne peut pas s’inventer maître du jour au lendemain. Cependant, la dénommée Antarc ne l’entendait pas de cette oreille. « Tu vois bien que je n’ai absolument rien ordonné à Osme pour qu’elle me protège ! Je ne l’y oblige pas, elle le fait parce qu’elle en a envie... Ou bien parce que c’est dans son intérêt que je reste en vie. » la Mysdibule qui levait les yeux au ciel sur la première partie de ta phrase, opina du chef lorsque tu te ravisas, moqueuse.
« Je t’assure que je ne te veux aucun mal, si tu y tiens tellement, je peux même te rendre ta liberté sur le champ ! » La Stalgamin soulagée d’entendre une nouvelle pareille bondit dans tous les sens, immensément heureuse. « Mais, tu es sûre que je peux vraiment te laisser ici, dans cet environnement ?.. » Stoppée net dans son enthousiasme, Antarc examine les lieux, méticuleusement, puis se rend à l’évidence. Elle secoue négativement la tête. « Je m’en doutais.. Le problème, c’est que je ne retournerai pas à proximité de la Route 2 avant un bon moment. » Furieuse, le pokémon prépare une nouvelle salve d’attaques, mais garde ses positions, prête à tirer à tout moment. « Ce que je peux te proposer, c’est de me suivre dans mon voyage et une fois rentrée, je te ramènerai moi-même sur place pour t’y relâcher. » Elle ne semble pas fermée à l’idée, mais il lui manque une information, d’une certaine manière, tu comprends rapidement de quoi il s’agit.
C’est à ce moment-là d’un jeune homme, blond aux yeux bleus, s’interpose tout naturellement entre ton Stalgamin, toutes flèches de glace dehors, et toi. Il te déblatère tout un laïus sur une compétition à laquelle il participerait d’ici un mois, ici… Mais vous êtes au milieu de nulle part au bord du Lac Maeston, qu’est-ce qu’on pourrait bien y faire. Tu notes dans sa main une canne à pêche, visiblement de bonne facture. Il s’agirait donc de pêche ? Comme pour répondre à ton interrogation silencieuse, le Léviator doré grommelle derrière son dresseur. Tu déglutis difficilement. « Bref, tu veux que je signe où ? Et au nom de qui ? » Tu n’es pas certaine d’avoir tout bien compris, en revanche, ce dont tu es certaine, c’est qu’il te faut donner une réponse à ton pokémon. « Je pense d’ici deux semaines !.. Au mieux.. » Comme tu le prévoyais, Antarc, folle de rage passe à l’attaque et s’apprête à envoyer une longue série d’Éclats Glace sur toi, ou plutôt sur le pêcheur, tel qu’il était positionné à l’heure actuelle.
Tu reportes ton attention sur ce jeune homme blond, devant toi, consciente du danger imminent, tu es comme habituée à ce chaos permanent désormais. « Shikita, c’est bien ça ? J’adorerai que vous me signiez un autographe, mais peut-être un peu plus loin ? » Tu lui désignes de l’index ton pokémon, derrière lui, l’air absente de ton propre corps, tandis que les premiers traits de glace fendent l’air.
Shinichi n’avait pas remarqué la présence de ce Staglmain. Obnubilé par l’idée d’avoir de nouveaux fans et de – enfin – pouvoir signer des autographes, il n’avait d’yeux que pour la petite demoiselle. Cette dernière répondit dans un premier temps de manière énigmatique, affirmant vouloir un autographe au bout de deux semaines … « Hein ? »
Confus, Shinichi se demanda si son interlocutrice était dotée de toutes ses facultés mentales. Il était conscient qu’en ce bas monde, certaines personnes n’étaient pas gâtées par la nature. Il avait eu la chance d’être né sous la bonne étoile, d’avoir un physique passable et un intellect très au dessus de la moyenne mais qui sait. Cette inconnue n’était peut-être pas aussi chanceuse. La pauvre était incapable de donner son nom décemment sans se tromper, bégayer ou divaguer complètement !
« À moins que ce soit le stress » pensa-t-il naïvement … Oui, ce devait être ça ! Intimidée par cette formidable rencontre avec son idole, l’inconnue n’était pas en mesure d’aligner deux phrases cohérentes ! Flatté, Shinichi sourit de toutes ses dents et bomba le torse, fier d’avoir pu impressionner à ce point une fan de pêche !
« Plus loin ? » Il fit volte-face et vit le Pokémon de glace derrière lui. Plus flèches quittèrent la créature gelée et Shinichi, dans un réflexe salvateur, bondit afin d’éviter l’attaque. Il venait d’utiliser là sa technique secrète, une variante du fameux « Pas de côté » ; il l’avait appelé le « Bond de l’esquive no jutsu ». « Eh mais il est déglingo ce Pokémon. On fait pas ça. Et toi tu aurais pu me prévenir ! » Il s’adressait à Kaido, son Léviator, qui barbotait tranquillement dans l’eau, ignorant totalement son dresseur. Pour la petite histoire, le serpent de mer doré n'obéissait que partiellement au Kitagawa. Pour des raisons évidentes, il jugeait ce dernier indigne d'être son maître et n'en faisait donc qu'à sa tête.
Il se retourna vers l’inconnue : « C’est Shinichi au passage pas Shikatruc ! Et ne t’en fais pas. En plus d’être un pêcheur d’exception, je suis un bon dresseur. Enfin je crois. » Il en était pas si sûr. Aux dernières nouvelles, il n’avait jamais remporté le moindre combat officiel. Ceci-étant, Shinichi était parvenu à vaincre de nombreux Pokémons sauvages, dont certains plutôt coriaces ! Il sortit sa Pokéball à la teinte grisâtre et la lança, libérant ainsi son Gardevoir.
« Je vais nous débarrasser de ce nuisible ! » Il pointa du doigt le Stalgamin ennemi sous le regard circonspect de la sabreuse. Le Pokémon de Shinichi n'allait pas se battre contre « ça ». Pour cause le Pokémon n’avait pas l’air particulièrement belliqueux. Au contraire, il avait l’air apeuré. Elle resta sur ses gardes, dans l’éventualité d’une seconde offensive de la part du Stalgamin. Saber était prête à parer.
Les événements s’enchaînent avec une rapidité tout bonnement déconcertante pour n’aboutir qu’à des états de fait tout aussi grotesques. Shikita n’a pas l’air d’avoir compris que tu ne t’adressais as à lui et ne découvrit que trop tard que vous étiez pris pour cible par l’attaque de ton pokémon, Antarc. Lui, dans un mouvement simple, mais élégant, esquiva prestement l’attaque. Il disposait d'excellents réflexes et te laissa impressionnée par ses ressources. La réalité te rattrapa bien vite lorsque trois projectiles du Stalgamin se trouvait déjà à mi-distance de toi. Tu n’avais absolument pas le temps de réagir et allais donc mourir là, bêtement.
Heureusement pour toi, Osme, ta Mysdibule, n’avait pas ton temps de réaction et neutralisa, une nouvelle fois, l’offensive du petit nouveau de l’équipe. Shikita interpella l’immense Léviator qui se dressait plus loin, au bord de la rive du Lac Maeston, pestant après lui. Était-ce du courage ou de la stupidité, tu ne saurais pas le dire.. À moins que.. Non. Il ne pouvait pas s’agir de SON Léviator ? Tout de même pas !? Svelte, vif et bon dresseur ? Il cumulerait tant de bonnes qualités. C’est une rencontre rare que tu venais de faire, tu en avais maintenant la ferme conviction. Souriante, tu l’écoutas d’une oreille attentive. « C’est Shinichi au passage pas Shikatruc ! Et ne t’en fais pas. En plus d’être un pêcheur d’exception, je suis un bon dresseur. Enfin, je crois. » Rare, c’était le mot. On pouvait dire de lui qu’il payait cher son cordonnier, il y a de quoi ! Ce doit être un exploit de faire rentrer de telles chevilles dans des chaussures.
Pouvais-tu vraiment le lui enlever ? Il avait fait preuve d’une certaine réactivité, il avait l’air bon dresseur.. Tout de même, on ne dompte pas un Léviator de cette envergure sans de réelles qualités de dressage, n’est-ce pas ?.. À croire que tu commençais déjà à cerner le spécimen et déjà, redoutais les réponses à tes questionnements. Disons que par-dessus cela, rajouter que ça n’est pas la modestie qui l’étouffe et vous obtenez. Shikita, donc. À moins qu’il ne vienne de te reprendre ? Il a dit quelque chose du goût de Shikatruc, ça doit être ça plutôt. « Je vais nous débarrasser de ce nuisible ! » s’exclame-t-il à propos de ton Stalgamin, toujours aussi apeuré, qui, sous bien des égards, avait perdue ses ardeurs. Il libéra une espèce que tu pensais n’avoir jamais contemplée auparavant, mais à y regarder de plus près, c’était en réalité un Gardevoir en armure, paradant fièrement avec son étendard.
La créature ne semblait pas spécialement comprendre pourquoi elle avait été appelée, pas plus que tu ne comptais laisser son dresseur réduire en charpie ce qui demeurait ton pokémon. « Je vous en pris Shikatruc ! Ce Stalgamin est mon pokémon, je l’ai capturé il y a peu, elle est encore profondément confuse. » Irritée au possible par l'association que tu venais de confirmer entre elle et toi, Antarc amorça une réponse de sa composition, lorsque l’impertinente fut stoppée net. C’était l’affront de trop pour Osme, elle méritait une bonne correction. C’est pourquoi la Mysdibule se précipita sur Antarc avec l’intention de la mettre hors d’état de nuire. Jusqu’à ce que tu lui ordonnes brutalement. « Arrête ! Tu vois bien qu’elle est complètement effrayée.. J’ai beau réfléchir, je ne vois pas pourquoi, mais, elle semble persuadée que je compte attenter à sa vie. »
Tu soupires en voyant ton pokémon se rétracter, elle lève une nouvelle fois les yeux au ciel, comme excédée par les mièvreries de sa dresseuse. À croire qu’elle regretterait presque de t'avoir pour maîtresse, mais il semblerait que ce soit un choix que l’on ait fait pour elle. « L’idée n’est pas de lui donner des raisons supplémentaires de croire à ce mensonge, il faut simplement dissiper le malentendu. » Elle se retourne, donc, ignorant passablement le Stalgamin, histoire de lui faire bien comprendre qu’à ses yeux, elle ne représente pas la moindre menace et vient retrouver sa place à tes côtés.
Un tantinet agacé, il corrigea : « Shinichi. Shi-ni-chi. » Certes il ne s’agissait pas d’un prénom commun, surtout ici à Maeston mais toute de même. Ce n’était pas si compliqué à prononcer. Il n’y avait que trois syllabes, dont deux qui se répétaient. Le pêcheur était perplexe. Le faisait-elle exprès ou était-elle juste anormalement peu douée pour retenir les prénoms ? Pour sûr elle se moquait sciemment de sa noble personne !
Ce Stalgamin qu’il pensait être sauvage appartenait finalement à l’inconnue. Le Pokémon refusait simplement d’obéir à sa dresseuse. Un phénomène banal que Shinichi connaissait bien puisque son Léviator n’écoutait ses dires qu’une fois sur deux. Le Gardevoir resta planté là, comme un piquet. Elle laissa au Mysdibule le soin de neutraliser son collègue, sous les yeux de l’inconnue qui faisait office de dresseuse. L’intervention du Pokémon acier était efficace mais un poil trop musclé au goût de l’inconnue qui demanda à son compagnon docile de lâcher son étreinte. Le but n’était pas de l’apeurer encore plus qu’elle ne l’était déjà.
Du haut de sa petite expérience de dresseur, le Kitagawa se permit la réflexion suivante : « Tu devrais essayer de lui donner des Pokéblocs. » Pour la première fois de la journée, Shinichi fit une suggestion intelligente. Il faut dire qu’il avait eu cette idée grâce à Hunter. Le ranger avait pour habitude d’amadouer les Pokémons sauvages en leur offrant ce genre de confiserie. De la même façon que les poissons mordent aux bons appâts, les Pokémons se laissent attendrir si le bon Pokébloc ou la bonne baie est choisie. « Sinon si tu veux que je te fasse un cours une fois que t’auras calmé ton Pokémon, tu me dis. » Il parlait bien sûr d’un cours de prononciation. Il avait en tête un petit tuto marrant pour rendre son nom plus facile à prononcer et ainsi ne jamais commettre l’action. Il consistait en trois étapes : Shi. Comme l’action. Ni. Comme la négation. Shi. Vous avez compris.
« Bon. Saber, reviens. » Le Pokémon psy, bien content de ne pas avoir à intervenir dans une bataille qui n’était pas la sienne regagna sa Pokéball. De là, le Kitagawa fouilla dans son sac et trouva une baie dont son Braségali raffolait. Il la mit bien en évidence et demanda à l’inconnue : « Sinon madame l’inconnue dont je connais toujours pas le nom, j’ai ça si tu veux. C’est pas un Pokébloc mais … » Mais il n’avait rien de mieux à lui proposer. Il doutait que le Stalgamin affectionne les vers et autres esches présents dans sa boîte de pêcheur. Sinon, elle pouvait simplement essayer de lui parler. Ça fonctionnait parfois, la communication.
Bien que toujours tendue, la situation avait finalement retrouvé un peu de calme. Ce fut suffisant pour toi pour que tu puisses enfin entendre et retenir correctement le nom du pêcheur. « Shinichi.. » Ce prénom, pour sûr, n’était pas d’ici. Était-ce simplement un prénom d’emprunt, un pseudonyme ? Il aborda une théorie intéressante, qu’il était possible d’amadouer des pokémons avec quelques friandises, pokéblocs, poffins ou baies, après tout, une douceur ne faisait de mal à personne pendant une négociation. Elle-même connaissait les enjeux parfois colossaux qui pouvaient se cacher derrière une simple tea party.
« Sinon si tu veux que je te fasse un cours une fois que t’auras calmé ton Pokémon, tu me dis. » Prévenant et serviable, ce dresseur d’exception se proposais de t’enseigner quelques secrets de dressage. Tu es assez emballée par l’idée, après tout, s’inspirer d’experts à toujours été une bonne méthode pour améliorer ses compétences, tu penses plus particulièrement à Lenora. Il rappelle la figure mythique de la guerrière à lui, bien que soulagée de n’être plus sous le joug d’une créature que tu devinais extrêmement puissante, tu regrettais de ne pas pouvoir l’admirer davantage. « Sinon madame l’inconnue dont je connais toujours pas le nom, j’ai ça si tu veux. C’est pas un Pokébloc mais … »
C’est que tu ne t’étais toujours pas présentée, pas du tout, pas le moins du monde. Honteuse, tu t’excuses platement en répétant plusieurs fois des saluts en inclinant ton tronc de plusieurs dizaines de degrés, frénétiquement. « Je suis vraiment confuse, j’ai été prise par les événements et j’en ai oublié mes manières. » Tu te stoppes dans tes gesticulations et saisis ta robe délicatement pour effectuer une gracieuse révérence. Une fois au plus bas, les yeux mi-clos, tu souffles. « Dvora Feinstein Fried, artisane joaillière et PDG de mon entreprise. Enchantée de faire votre connaissance.. Shinichi. » Tu lèves une paupière et tu décides d’accompagner cette tirade en dévoilant le bout de ta langue, discrètement. Cela n’a pas pour but d’être une moquerie, bien plutôt le signe que tu réalises la grossièreté de tes actes et une tentative maladroite de te les faire pardonner parce qu’après tout, tu te veux un peu mignonne.
Ce moment quelque peu gênant passé, tu te redresses et viens saisir la baie tendue par le mystérieux pêcheur. Tu te seras contenté de te présenter par tes fonctions, sans même y réfléchir, par mimétisme, lui-même ne s’étant arrogé aucun autre titre que ceux de sa profession. Tu lui souris aimablement lorsque tu emportes avec toi le fruit en direction d’Antarc, toujours sur la défensive. Un hochement de tête en guise de remerciement à Shinichi et te revoilà en face-à-face avec le Stalgamin. Comment allait-elle réagir cette fois ? « Ce n’est pas la première fois que je t’approche avec une friandise… Est-ce que tu l’accepterais, je t’assure que je ne te veux aucun mal, je suis encore nouvelle à ça, le dressage pokémon et tu as fait les frais de mon incompétence. »
Le Stalgamin opine du chef, visiblement d’accord sur mes nombreux manquements, cela t’arrache un sourire, sous le regard désapprobateur d’Osme. « Au-delà de ce fruit, si tu l’acceptes, je voudrais que tu saches que je souhaiterais m’engager auprès de toi à te permettre d’évoluer. Si tu le souhaites, par exemple, je pourrai dénicher pour toi une Pierre Aube. Ainsi, il ne s’agirait plus d’un kidnapping, comme ça doit l’être pour toi jusqu’ici, mais d’un emploi. Tu travaillerais simplement pour moi le temps que je puisse te ramener chez toi, de cette manière, je gagnerai, certes, ta présence à mes côtés, mais toi aussi, tu obtiendras quelque chose de moi, ton évolution, par exemple. » Ses yeux avaient commencé à briller dès la mention de la pierre évolutive. Elle secoua vivement la tête et se précipita sur le fruit, peut-être sa manière de conclure le pacte que nous venions de sceller, mais sans doute aussi le signe qu’elle mourrait de faim.
Ce fut long mais enfin Shinichi parvint à obtenir le nom de l’inconnue. Elle s’appelait Dvora Feintruc Fritruc. « Et elle ose croire que Shinichi est un prénom compliqué ?! » Hurla Shinichi en son for intérieur. À en juger par les sonorités,elle devait venir d’Europa. D’Europa de l’ouest même … Il avait réalisé une mission là-bas il y a quelques années.
La demoiselle effectua une élégante courbette et dévoila son titre au Kitagawa. Elle était vraisemblablement chef d’entreprise. Le pêcheur ne l’aurait pas deviné. Dvora n’avait en effet pas le look d’une féroce femme d’affaire. « OK. » Il arqua un sourcil, un peu perturbé. L’habit ne faisait pas le moine mais à en juger par son look, Shinichi aurait juré qu’il s’agissait d’une énième influenceuse. Il en avait rencontré plusieurs à Maeston et avait présumé, à tort, qu’elle aussi occupait cette fonction ô combien rentable.
Dvora se saisit du fruit puis alla voir le Stalgamin colérique. Sous le regard de Shinichi, elle s’excusa auprès du Pokémon glace, lui offrit la baie et lui fit la promesse de l’aider à évoluer. Dvora mentionna les mots « Pierre » et « Aube » ce qui créa un déclic chez Shinichi. Il possédait cette pierre. Elle traînait dans son sac depuis des semaines et était devenu un running gag entre lui et Alisha. Shinichi ne put s’empêcher de sourire, vit le Pokémon accepter le pacte et s’approcha.
« Euuh. Loin de moi l’envie de me mêler de ce qui ne me regarde pas, même si je dois avouer être très fort dans la discipline mais tu as dit Pierre Aube ? » Il s’arrêta et fouilla dans son sac. La pierre était là. À moins que le Badabouin d’Alisha lui ait encore dérobé l’objet …
Après quelques longues secondes de solitude, il trouva la pierre et la présenta à Dvora. « C’est marrant, j’en ai une. Obtenue lors d’une de mes nombreuses expéditions. Il se trouve qu’en plus d’être un pêcheur de renom, je travaille dans un grand restaurant. ET EN PLUS de travailler dans un grand restaurant, je suis un explorateur à mes heures perdues, un aventurier de la nuit, un … » Ça commençait à faire beaucoup. Il était reparti dans une de ses tirades longues et fastidieuse mais parvint malgré tout à s’arrêter de lui-même.
« Bref. C’est ça que tu cherches ? » La question était rhétorique. Comme quoi, le hasard faisait parfois bien les choses. Elle était venue dans ce lac pour demander un autographe à Shinichi et était finalement repartie avec une pierre aube ! « Sinon Dvora Feintruc Fritruc, tu as dit que tu étais PDG de quoi déjà ? » Elle n’avait pas spécifié. Shinichi était cependant intéressé. Ce n’était pas tous les jours qu’il rencontrait quelqu’un de potentiellement important !
« Euuh. Loin de moi l’envie de me mêler de ce qui ne me regarde pas, même si je dois avouer être très fort dans la discipline mais tu as dit Pierre Aube ? » Tu pensais t’arrêter là, mettre au placard ton pokémon et solutionner ultérieurement cette problématique, mais non. Shinichi, sur qui tu souhaiterais reporter sérieusement ton attention, te proposait la pierre du pacte, comme servi sur un plateau. Cela semblait trop beau, impossible. Tu te laisses farfouiller dans son sac, de longues secondes, sous vos regards conjoints à toi et à Antarc, insistants. Finalement, il en dégaine l’objet du délit en ajoutant une tirade dont il avait le secret.
Semblait-il une histoire de restaurant, d’exploration et d’aventurier… Ton visage se plisse d’incompréhension, mais le résultat, lui, est bien là – fusse le sens absent. Il s’arrêta net dans ses divagations pour se recentrer sur l’essentiel. « Bref. C’est ça que tu cherches ? » Ne manquait plus qu’un ton un peu lourdaud et un phrasé plus léger et tu te retrouvais transporté dans un de ces films aux scénarios creux qui satisfont les longues nuits solitaires. Il avait l’air fier de lui, ce qui n’arrangeait rien à la chose, fort de la connotation que tu prêtais à ses propos.
« Sinon Dvora Feintruc Fritruc, tu as dit que tu étais PDG de quoi déjà ? » Pardon? Qu’a-t-il dit, l’animal ? Tu as bien peur de comprendre. Il est complètement incapable de respecter ton patronyme, pas plus que ton matronyme. Admettons qu’il soit benêt ou analphabète, cela passe encore, il est bien capable de prononcer Dvora, qu’il s’en tienne là. Avec toute l’amabilité dont tu es capables en cet instant, tu procèdes à une réponse. « Dvora suffira. » C’est plus fort que toi, tu souris aussi gentiment que possible, les yeux clos l’espace d’une seconde, mais rien dans ton visage ne laisse entrevoir du calme ou de la bienveillance.
Tu es clairement irrité, mais passe vite à autre chose, en poursuivant. « Comme je vous le disais, je suis joaillière. Le nom du groupe que je dirige porte le nom de mon père, Fein-stein. Nous produisons notamment des Cristaux Z et des Méga-Gemmes. » Tu insistes lourdement sur ton nom de famille. Intérieurement, tu le fusilles de tes yeux quasi exorbités tandis que tu le fixes durement. Mais vite, tu te rappelle qu’il dispose d’un petit quelque chose qui tendrait à t’intéresser sur le court terme, alors tu prends une courte inspiration et soupire silencieusement. « Mais vraiment, je peux ? » Lui demandes-tu en te saisissant de la Pierre Aube. « C’est vraiment bien trop aimable de votre part, ne vous en faites pas, je saurais vous récompenser pour ce généreux don ! » Le visage toujours tourné vers Shinichi, tu fais quelques pas vers ton pokémon et t’accroupis en face d’elle, sans lâcher l’inconnu du regard, un sourire crispé sur les lèvres. Tu portes directement l’objet évolutif au contact du Stalgamin, y jetant un coup d’œil pour être certaine de réussir ton coup. Elle est comme en extase devant le cristal qui soudain, s’illumine.
Le corps d’Antarc, nimbé d’un puissant halo de lumière, t’aveugles un instant. Le moment d’après, la pierre aura été consommée et le petit enfant des monts laisse place à une délicate geisha des neiges. Le pokémon s’examine, béatement. Il semblerait qu’elle soit ravie de se redécouvrir. Ce marché qu’elle a passé avec toi aura été particulièrement rentable, elle ne te prête cependant pas la moindre attention, puisque c’est vers Shinichi qu’elle se tourne et le remercie d’un salut des plus solennels. Osme, toujours à tes côtés, pose l’une de ses pattes antérieures sur ton genou. Au-delà de te signifier sa présence à tes côtés, elle est en train de te patpat, c’est bien cela qui se passe. Déconfite, tu soupires bruyamment.
Shinichi aimait trop s’entendre parler pour écouter autrui. Ceci-étant, il n’avait même pas relevé le fait que Dvora était joaillière. Pourtant, elle lui avait bien donné l’information au préalable.
Bien qu’il n’écoutait pas, Shinichi voyait. Et le pêcheur remarqua bien l’agacement sur le visage de la petite dame. Elle tenait à ce qu’on l’appelle uniquement par son prénom, sûrement afin d’éviter tout massacre de son nom de famille. Visiblement le fait d’avoir écorché « Feinstein » ne passait pas. Le PDG de la compagnie familiale insista sur ce point et sur la façon dont il fallait prononcer son patronyme. « C’est noté madame la créatrice de Cristaux Z et de méga-gemmes ! » Il saurait se rappeler de cette information ! Son nom ne l’intéressait pas beaucoup en revanche ses compétences … Shinichi collectionnait les Cristaux Z. Et s’il était totalement incapable de faire méga-évoluer ses Pokémons, il saurait se souvenir qu’une de ses connaissance maîtrise l’art permettant de forger des gemmes.
Dvora se saisit de la pierre et se tourna vers le petit Pokémon glace. Le Stalgamin, au contact de l’objet évolutif, se transforma tandis que la pierre, elle, s’évapora. Finalement la promesse de Dvora n’aura pas été très difficile à tenir. Le Pokémon avait obtenu ce qu’il souhaitait rapidement et découvrit sa nouvelle forme avec enthousiasme. Il comprit aussi bien vite à qui il devait cette formidable transformation. Shinichi retourna son salut à la geisha en effectuant une courbette « Mes hommages. »
Il s’adressa ensuite à sa maîtresse : « Je ne savais pas que ton Pokémon évoluait en Momartik. C’est un Pokémon très apprécié par chez nous. » A travers ce « par chez nous » il entendait « du côté d’Asia », sa région d’origine. Shinichi était toujours aussi ignare en matière d’évolutions et de Pokémon. Il écorchait les noms des trois quarts d’entre eux et se trompait carrément d’espèce dans le quart restant. Cette-fois ci cependant il fut capable de nommer Momartik sans se tromper. « Il y a beaucoup d’histoires chez moi à propos de ce Pokémon. On raconte par exemple qu’elle guide les personnes perdues dans les montagnes enneigées à retrouver leur chemin. » Il passa sous silence certains détails de l’histoire, notamment la partie expliquant qu’il s’agissait de la réincarnation d’une petite fille s’étant elle-même perdue lors d’une tempête de neige …
« J’ai beaucoup d’histoires à raconter comme ça si tu veux. En plus d’être pêcheur, restaurateur, je suis aventurier. Certains de mes amis disent que je suis toutologue. Expert en tout. » Et surtout en bêtises. « A toi, parle moi de toi, de ton entreprise. Vous prenez les commandes ? C’est évidemment pas pour moi. C’est pour un ami. » Officiellement Shinichi ne possédait pas le moindre cristal Z. Shininja en revanche …
Osme ne s’arrête que lorsque tu finis par poser ta main sur son visage, gentiment exaspérée par son comportement moqueur, elle prend quelques pas de recul lorsque Shinichi reprend. Il t’affuble d’un titre puéril et prendra garde d’éviter méticuleusement de t’appeler par ton prénom. Tu ne saurais dire si cela t’excède davantage ou si tu lui en serais reconnaissante. Après tout, c’est un excellent choix de ne pas prendre le risque d’écorcher ton nom ou même ton prénom. Il a l’air particulièrement limité le garçon… En revanche, il a sincèrement l’air intéressé par ton entreprise, un potentiel client ?
Il tente d’imiter la gestuelle d’Antarc, ne révérant toutefois pas tout grâce de ton pokémon. Le pêcheur te rassure lorsqu’il s’adresse directement au Momartik après sa rapide courbette, tu te sens un peu moins seule à parler à tes pokémons. La prochaine tirade du vagabond te fait arquer un sourcil d’étonnement. Comment ça, par chez nous ? Tu écoutes scrupuleusement ses prochaines phrases, attentive aux informations rapportées par le dresseur. Mais alors, il ne viendrait pas d’ici ? Il n’est pas originaire de l’Empire de Maeston ? Parce qu’il y a un monde en dehors de l’Empire, tu aurais tendance à royalement l’oublier !
Tu remets les morceaux du puzzle en place aussi rapidement que tes capacités réflexives te le permettent et, soudainement, ça clique. Il est tout à fait possible qu’il ne partage pas ta langue maternelle, peut-être même une langue particulièrement éloignée que celle que tu as toujours connue… Mais alors, toutes ces pensées que tu as pu avoir dès lors que tu l’auras entendu baragouiner ses premiers mots… Oui, ça porte un nom. Tu déglutis difficilement, en chancelant. Déstabilisée par cette réalisation, encore hypothétique, tu manques un morceau de son nouveau sermon.
Ce que tu en retiendras, c’est qu’il est un Jack of all trades, master of none. Quoi de plus normal lorsque l’on s’éparpille de la sorte en diverses activités ? L’ironie de ce constat ne monte pas jusqu’à ton cerveau, pourtant cette expression pourrait aussi très bien t’aller. C’est son dernier trait qui t’interpelle. « A toi, parle moi de toi, de ton entreprise. Vous prenez les commandes ? C’est évidemment pas pour moi. C’est pour un ami. » Outre la formulation cavalière, que tu prendras la peine d’excuser par la barrière de la langue – cela demande toujours vérification, mais autant lui laisser le bénéfice du doute – tu t’interroges sur la véracité de ses propros. Ce gus-là, aurait-il vraiment un ami ?
Non ! L’interrogation est ailleurs, il avait l’air très personnellement intéressé par l’annonce de ton secteur d’activité, non ? À l’écouter maintenant, tu aurais comme un doute. Dissonance cognitive oblige, tu n’y réfléchis pas plus et tâches de lui répondre, le plus professionnellement possible. « Comme je le disais, mon entreprise, elle, ne destine sa production qu’à l’Empire. En revanche, je suis moi-même joaillière, à titre personnel et pour une petite commande, je pourrais peut-être faire quelque chose pour vous et votre, ami. » Tu venais juste de proposer à l’aventurier, chef, explorateur, pêcheur venu d’ailleurs de lui rembourser ta dette généreusement, l’affaire tombait sous le sens.
Une question maintenant, te brûle les lèvres, alors dès que le calme retombe après ta réponse, tu t’empresses d’ajouter. « Excusez mon manque de tact, mais je dois vous confesser que ma curiosité est piquée… Vous avez bien dit par chez nous ? Vous n’êtes pas originaire de l’Empire ? Pourrais-je savoir d’où vous venez, sans vouloir être indiscrète... » Tu lui demandes avec autant de tact que possible, sur un ton plutôt mielleux. Mais ton regard brille d’une soif de savoir inextinguible. D’où vient-il, bon sang ? As-tu proféré des pensées impures et malvenues ou n’est-il qu’un bouffon ? Vient-il du Canada, cette terre de rustres et de sauvages – ça expliquerait beaucoup de choses – où d’une quelconque autre destination exotique !? La tension est à son comble et tu ne saurais tenir ce suspens plus longtemps.
Son entreprise ne prenait pas les commandes de particuliers. Ni de professionnels d’ailleurs. Elle collaborait uniquement avec l’empire. « C’est rigolo. » De son œil peu expert, cela lui semblait être une stratégie peu rentable. Patriotique, pour sûr. Mais peu rentable tout de même. Les sociétés productrices d’armes à Asia ne s’embarrassaient pas ; elles vendaient à tout le monde, particuliers, militaires, professionnels ; y compris aux pays voisins. C’est précisément pour cette raison que Liyue avait engagé Shinichi. Afin de faire en sorte que l’empire ait le plus rapidement besoin d’un grand nombre d’armes. De son avis qui n’était pas humble, la meilleure stratégie était de vendre à bon prix ; peu importe à qui.
Bien que sa société ne soit pas disposée à lui fournir de pierre, Dvora, en son nom, était prête à l’aider à l’occasion. Il prit bonne note de la proposition de la demoiselle et rétorqua : « Oh, merci. Je vais me renseigner sur ce qu’il souhaite. » Il fit mine de parler de son ami mais comprenez par là : « Je méditerai sur ce que je veux. ».
La joaillière, curieuse d’en apprendre plus sur les origines de Shinichi posa sans détour la question à ce dernier. Pas gêné pour un sou, il répondit : « C’est pas indiscret du tout. Je ne le cache pas de toute façon ; Je viens d’Asia. Je suis ici pour participer à des compétitions de pêche et faire carrière. » Il était arrivé ici en toute légalité et tout ceux qui l’avaient rencontrés savaient qu’il venait d’Asia. Ce qu’ils ignoraient en revanche, c’était la vraie raison de sa venue. « C’est marrant comme question. En général les gens devinent vite. Entre mon nom, mon prénom, mes manières même un peu … Et tu peux me tutoyer hein. Je te tutoie depuis tout à l’heure. » Peut-être qu’elle n’aimait pas ça ? Peut-être devait-il la vouvoyer sans quoi elle risquerait de prendre la mouche ? Même si c’était son souhait, il ne le ferait pas. Flemme.
« Toi t’es pas d’ici non plus, je me trompe ? » Il présumait mal. Mais il continua sans laisser à son interlocutrice le temps de le corriger : « Feinstein, c’est commun comme nom. Mais pas ici. Plutôt du côté d’Europa. A l’est, tout particulièrement. Après … Ce continent est une terre d’accueil depuis un bon moment. Il y a pas mal de noms et d’ethnies différentes. » Une terre cosmopolite pour des gens plutôt intolérants : un drôle de mélange. Le fait qu’elle – ou en tout cas sa société – travaille uniquement pour l’Empire avait quelque chose d’intrigant. « Je peux savoir pourquoi ta boîte bosse uniquement pour l’empire ? Ce serait pas plus profitable de vendre à tout le monde ? » La question était rhétorique, pour sûr ça le serait. Inutile d’avoir un doctorat en économie pour le deviner !
Comment ça, c’est rigolo ? Tu n’es pas bien sûre de comprendre, mais tu ne relèveras pas. Après tout, tu as d’autres préoccupations en tête à l’heure actuelle, à commencer par savoir si tu es bel et bien un monstre ignare et discriminant ou non. Le pêcheur t’assure qu’il saura s’arranger avec son ami pour te faire connaître les gemmes ou cristaux dont il pourrait avoir besoin. Bien, tu n’aimes pas particulièrement laisser trop longtemps traîner tes dettes. Lorsque Shinichi est questionné sur ses origines, d’un naturel sans gêne et sans détour, il répond immédiatement.
Il t’apprend qu’en effet, il n’est pas originaire de l’Empire, mais plutôt d’Asia, ce qui pourrait confirmer ta thèse précédente. Il se pourrait bien que tu aies très mal jugé cet inconnu sur la base d’incompréhensions qui n’ont rien à voir avec ses capacités intellectuelles ou sa jugeote de manière générale – on peut être à la fois extrêmement brillant d’une part et complètement benêt de l’autre - tu n’es pas étrangère à ce genre de contradictions. Il aurait rejoint les terres de l’Empire pour s’adonner à des compétitions de pêche et faire carrière, intriguant. Tu n’avais aucune idée de la portée internationale d’une telle discipline et ignorais royalement que ce pouvait être une raison valable d’immigrer pour certains.
Après tout, partir à l’étranger pour le travail, ça existe. Il rétorquera davantage, en arguant qu’il est souvent démasqué très vite quant à ses origines, son nom, ses manières, tout devrait y suggérer la splendeur orientale… « Je suis sincèrement désolé si ça aurait dû être évident pour moi, mais… Vous savez, j’ai beaucoup de collaborateurs aux noms et prénoms à sonorités asiatiques qui sont simplement enfants ou petits-enfants d’immigrés d’Asia et à se titre, des citoyens lambda de l’Empire ayant toujours vécu en son sein. Maeston est vaste et l’on y retrouve beaucoup d’ethnies différentes, Asia ne fait pas exception. »
Tu lui souris, plutôt gênée. « Pour ce qui est du tutoiement, je peux essayer.. » Tu tentes d’élargir ton sourire pour le rendre plus chaleureux, sans grand succès. « Je n’en ai guère l’habitude, mais si ça peut te faire plaisir. » On sent bien que ça t’arrache la bouche de tutoyer un inconnu, en plus de n’être absolument pas naturel, tu y consacres certains efforts, mais tu y consens. Après tout, ça n’est pas cher payer pour avoir médit de lui en pensées. « D’ailleurs, on échange depuis tout à l’heure, mais je ne saurais le dire, nous partageons la même langue maternelle ou pas du tout ?.. » Tu cherches aussi discrètement que possible à dissiper tous tes doutes. Ça n’est peut-être pas bien poli, mais tu ne vois pas trente-six manières d’avoir une réponse claire à ce sujet. Il poursuivra en questionnant tes propres origines. Il réussira à prononcer correctement ton patronyme, impressionnée, tu en aurais presque sifflé. La question se pose à présent, l’a-t-il fait exprès un peu avant, par vengeance ou se sera-t-il familiarisé avec la prononciation atypique de ton nom ?
Il vise juste, particulièrement juste. Tes ancêtres sont bel et bien originaires de la zone géographique qu’il désigne, en revanche, pour ce qui est des marqueurs temporels, il est quelques décennies trop tard. En effet, cela fait un bout de temps maintenant que tes aïeux ont débarqué sur les côtes maestoniennes et on eut tout le loisir de s’intégrer à la société de l’Empire jusqu’à faire partie de leur noblesse. « C’est exactement ça, Shinichi, vous êtes tout à fait perspicace. » Tu lui adresses un nouveau sourire cette fois-ci sincère avant qu’il ne disparaisse promptement réalisant que tu venais de le vouvoyer à nouveau. Confuse, tu reprends à la hâte. « Tu as pu beaucoup voyagé dans ta vie ? Je ne me suis moi-même que très rarement rendu en Europa. Oui, tu as vu juste, ce sont mes ancêtres qui en sont originaires, ça fait plusieurs générations aujourd’hui que nous sommes de fiers citoyens de l’Empire. »
Vient finalement la question de ton entreprise, pourquoi diable ne produirait-elle qu’à destination de l’Empire. Toi-même, tu n’es pas sûre d’en comprendre toutes les implications et raison, mais tu peux avancer plusieurs arguments, ne sachant pas pour tous à quels points, ils seraient susceptibles d’être véridiques ou non. « J’imagine qu’il s’agissait au moins en partie d’acter un lien entre ma famille et l’Empire, un lien de subordination clair, tout en se rendant utile à la couronne. Cela à sans doute pesé lorsque l’Empereur de l’époque aura choisi d’anoblir mes aïeux. Au final, s’engager de la sorte dans une entreprise d’armements destinés uniquement à l’Empire revient à s’assurer de la robustesse de la sécurité intérieure et extérieure. C’est aussi pour ça que Feinstein a toujours été tournée vers la recherche et le développement, l’idée n’est pas de créer un chiffre d’affaires colossal, nous n’avons jamais eu besoin de ça, mais bien d’être à la pointe dans un secteur qui détermine notre protection à tous, et ce, directement au service de l’Empire. »
Satisfaite de ta tirade, tu reportes ton attention sur Shinichi, tu espères ne pas l’avoir assommé avec une avalanche aussi dense de mots. Machinalement, tu rappelles Antarc à sa pokéball et flattes le crâne d’Osme du bout des doigts, nerveusement. Tu espères surtout ne pas l’avoir importuné avec tout ça...
La demoiselle avait beaucoup de collaborateurs ayant un nom similaire à celui de Shinichi d’après ses dires. « J’imagine que tu as raison. » Il ne doutait pas de la parole de Dvora mais il est vrai que, depuis son arrivée ici, il n’avait croisé personne ne portant un prénom ou un nom à sonorité asiatique. Hunter, Vance, Alisha … La plupart des gens ici avaient des noms bien typés d’Europa. Enfin bon ! Il ne connaissait pas bien le continent et préféra ne pas contredire la joaillière. Elle ferait l’effort de le tutoyer, il ferait donc celui d’être aimable.
« Je ne pense pas non. Je parle très bien plusieurs langues. Mais là, je parle pas ma langue maternelle. Avec la pêche, les compétitions, notamment celle en duo tu finis par parler les langues communes. » Il passa sous silence son activité d’espion. « Dans tout Asia, oui. Du reste, bof. J’ai visité deux trois pays comme ça. Mais c’est tout. C’est vraiment la première fois que je suis loin de chez moi aussi longtemps. » On aura fait plus clair et précis comme réponse mais il préférait rester évasif de peur de se contredire ou de divulguer trop d’informations ! Il parlait à une sbire de l’empire après tout. Elle même finit par s’en vanter, expliquant le lien entre sa famille, l’entreprise et la famille royale.
« Ah ouais. Trop bien. » Shinichi prit son air de grand nigaud. « Du coup tu crées des super armes secrètes de la mort qui tue ? Genre des lasers qui font piou piou ? » Cette histoire d’arme, d’empire et de recherche l’intéressait au plus haut point. Faire l’idiot lui permettait de poser ce genre de questions sans pour autant trop éveiller les soupçons. Il avait comme une cape d’invisibilité. Sa cape lui permettait d’ailleurs de faire et de dire des choses surprenantes : « En tout cas je suis super content de rencontrer la cheffe de la production d’arme de Maeston. T’as d’autres titres comme ça ? » Elle n’avait pas ce titre. Il le savait mais il trouvait de bon ton de la présenter ainsi. Elle le corrigerait. Ou non. « Tu connais du beau monde j’imagine ; tu dois aller aux soirées et tout ? » Celles-là même où Victoire étaient invitées. « Moi on m’invite pas. Alors que je suis le plus grand pêcheur de ma génération. C’est triste. » Très triste. Il en pleurait. Tout les soirs. Si d’aventure, elle pouvait l’inviter …
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