Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas écrit la moindre ligne. Pensé la moindre page. Voilà pourquoi Arsène avait quitté le confort de sa demeure pour se plonger dans le tumulte de la vie citadine d'Ilerda. Il avait trouvé un café relativement bondé, s'était installé dans un coin, avec une machine à écrire numérique devant lui, désespérément éteinte. La fine fumée de son café encore chaud tourbillonnait dans l'air, et il pouvait entendre la respiration calme de son absol, allongé à ses pieds.

Pourquoi se sentait-il si coupable? Après tout, son métier d'écrivain n'était en réalité qu'un vulgaire passe-temps, un hobby qu'il s'était forcé d'apprécier pour occuper ses journées sans musique. Il ne se sentait même pas réellement digne de ce métier, et encore moins de l'attention que l'on pouvait lui porter à cet égard. Mais ça ne l'empêchait pas de se sentir coupable, vis à vis de son lectorat. Lectorat qui était resté sur sa faim depuis le début de sa quête des badges.

Arsène soupirait longuement, alors qu'il allumait pour la quatrième fois l'appareil. Il allait bien réussir à écrire quelque chose, non? Au moins un dernier tome. Un dernier adieu à ses lecteurs, pour enfin tourner la page. Pour quitter le statut d'auteur pour, peut-être, atteindre celui de champion. Son corps entier se crispait, et quand ses muscles se détendaient à nouveau, il éteignait la machine à écrire et la rangeait dans sa sacoche. Le brun retenait sa tête dans ses mains meurtries, comme s'il pouvait ainsi échapper à la réalité. À la pression qui venait de comprimer sa poitrine.

Rei s'était relevé pour poser sa tête sur la jambe de son dresseur, en sa qualité de pokémon d'assistance. Le bouclé caressait sa tête tandis qu'il retrouvait doucement son calme. Après tout, devenir champion, qu'est-ce que ça changerait? Il passerait simplement d'illustre inconnu à figure d'autorité politique. Un frisson parcourut son échine. Était-il seulement digne de cette position? Ne devrait-il pas plutôt rester à sa place, au lieu de s'imaginer suivre une telle carrière? Une profonde inspiration plus tard, et son syndrome de l'imposteur faisait son entrée. Peut-être devait-il annuler son combat contre Samantha. Si la championne avait cette position, c'était parce qu'elle l'a méritait. Ce qui n'était probablement pas le cas d'Arsène.

— Hmm?

Une voix venait de le tirer de ses pensées. Le brun tournait la tête pour découvrir un jeune homme qui se tenait, tendu devant lui. Le logo sur son pull attirait immédiatement le regard du bouclé, comment le rater. Cryonicles. L'équipe de Solange. Ce jeune homme venait de loin, s'il arrivait de Venetiae. Et puis surtout, il avait reconnu Arsène. Quand enfin, il réalisait, ce dernier balbutiait une réponse.

— Non- Enfin-Si... Si- Il se tut un moment, avant de reprendre plus clairement. Excusez-moi. Oui, c'est moi, répondit-il enfin dans un geste de tête respectueux.

Reichenbach avait tendu la truffe vers le jeune homme, curieux de voir quelqu'un ainsi approcher d'Arsène, l'observant un moment sous toutes les coutures. Mais l'absol sentait bien qu'il n'y avait rien à craindre, alors il se rallongeait tranquillement. Le brun, quant à lui, se retrouvait dans une impasse. Il ne pouvait pas rendre les mêmes politesses, n'ayant encore jamais croisé ce jeune. Faisait-il partie des Cryonicles? Cela pouvait tout autant être un supporter. Et puisqu'il préférait passer pour un ignorant plutôt qu'un malpoli, le brun finit par poser la question fatidique.

— Pardon, à qui aie-je l'honneur?