EVENT I •
« Le crime est une dette, un peu de sang l'acquitte ;
Je te donne le mien, prends tout, que je sois quitte.
Devant ce bras captif si la mort ne peut fuir,
Je veux qu'au moins mes yeux puissent le voir venir. »
Mori Quam Foedari
Vivat Imperium, les lèvres de Dvora se meuvent en silence, à l'unisson avec celles du prince. Un instant, elle ferme les yeux, comme pour donner à ces deux mots la vertu d'une prière, d'un charme. La confidente libère son regard pour assister à ce qu'elle était venue voir, justice rendue. Elle avait écouté le discours du prince, presque comme on écouterait le sermon d'un homme d'église, transit, tant chaque mot qu'il avait prononcé vibrait en elle jusqu'au plus profond de sa psyché. Pour Dvora, il ne s'agissait que d'un ressenti naturel pour un membre de l'Empire, elle aurait pu remarquer dans l'assemblée que ce genre de réaction était loin de faire l'unanimité, de l'avantage de porter des œillères, il faut croire.Elle ne détourna pas le regard lorsque les têtes se décrochèrent des corps auxquels ils étaient rattachés quelques instants plus tôt. Il lui fallait regarder, la menace avait été éliminé, ça n'était pas un jour à célébrer ou à maudire pour Maeston, mais les voir morts apaisait un peu la rancœur qui lui pourrissait le ventre. La joaillière n'eut même pas à lutter contre la plus grande incertitude qui la gagnait suite à ce léger soulagement. Elle ne s'était rendu compte de rien jusqu'à ce que Lavinia arrache sa main de la sienne. Les joues rosies de stupeur, Dvora se retourna vers la princesse impériale qui s'élançait déjà telle une valkyrie dans la bataille, prête à la dernière heure à demander des comptes aux morts.
C'est là que la servante se rendit compte de ce qu'il se passait, du nouveau discours duquel elle était faite otage avec l'ensemble de la place. Elle eut beau chercher par tous les moyens à ignorer le plus possible tout ce qui était dit, des bribes lui parvinrent tout de même, malgré un changement radical dans ses ressentit. Dans ces moments-là, on peut réellement cerner qui elle est ou plutôt qui elle se demander d'être. Les révolutionnaires, le mouvement de libération de Callero, Genesis, tout ça n'a pas la moindre importance. Lavinia aussi réactive que d'habitude connaît en toute circonstance son rôle, sa place et ce qu'elle doit faire, le prince à l'air d'être en bonne santé, pas d'attaque, nous sommes à proximité de différents membres de l'armée, qui manque à l'appel ?
Dvora se jette sur son téléphone et pianote rapidement un mot à l'intention de Keigan, dont l'énième absence à des événements de cette ampleur peine sa confidente. Le temps d'éventuels reproches est complètement hors de propos, il s'agit juste de s'assurer qu'elle aille bien. Savoir si elle est au courant de ce qui se passe ici et peut-être plus tard ce qu'elle en pense. Jubile-t-elle d'une telle débâcle, impute-t-elle la responsabilité de ce fiasco à son frère et sa sœur, partage-t-elle indignation de l'expéditrice de ce message ? Donner de la place aux ressentis de ce farouche personnage a toujours été l'une des priorités de Dvora, la princesse n'aura jamais pu trouver la place d'exister dans la famille impériale, c'est le moins que sa « grande soeur » puisse faire pour elle, l'accepter dans toute sa violence, son irrévérence et ses attitudes qui témoignent davantage de ses fêlures que d'un mauvais fond. Si Keigan ne pouvait pas être vraie au moins avec la fille adoptive de l'Impératrice, saurait-elle jamais qui elle est vraiment ? Au-delà de ses postures et de la haine qui la gangrène.
Quelques instants plus tard, Laviania revient vers sa sœur en pestant, approchées de plusieurs militaires, elles sont toutes deux escortées hors des lieux. Malgré une ultime allocution du Prince William, il n'est pas dit que la tension qui règne ici allait redescendre aussi facilement. Mieux valait-il s'éclipser dès que possible, du moins c'est ce que Dvora en conclut en redevenant l'ombre de la première princesse impériale, lui emboîtant le pas. Sans demander son reste, l'héritière Feinstein savait qu'elle n'aurait pas son mot à dire tant que Lavinia ne reviendrait pas vers elle et préféra donc garder le silence jusqu'à nouvel ordre.