Peut-être pour tenter de rassurer son client, la jeune femme se risqua à faire une hypothèse. « J’imagine que si Callero a été épargné, Palera a de bonne chance de l’avoir été également », dit-elle d’un air pensif. Gento acquiesça. Il n’avait pas de réelle raison de penser que Palera était particulièrement en danger pour le moment ; il savait qu’il aurait probablement été rappelé en cas d’urgence majeure. Il était relativement confiant sur le sujet. « J’en doute pas un instant. Ça a pris tout le monde par surprise de ce que j’ai compris », reprit la couturière. L’attaque à Castra Nicia avait été particulièrement violente, et même s’il y avait eu peu de victimes à déplorer là où s’était trouvé le diplomate, il savait que d’autres endroits avaient été bien plus dangereux. Lui-même avait failli perdre une jambe dans l’attaque. « En effet », dit-il distraitement, pris dans ses propres pensées.

La jeune femme écouta avec intérêt les explications de son client sur le traitement des Pokémon à Palera. « Je vois, c’est bien plus dans le respect de tous.tes, c’est pas mal, commenta-t-elle, et vous n’avez pas de problème avec tout ça ? » Une question légitime, pour quiconque vivait dans la mentalité maestonienne au quotidien. Gento se permit d’y répondre pour clarifier. « Pas spécialement plus qu’ici, en tout cas, expliqua-t-il, bien sûr, le risque zéro n’existe pas, et il y a des incidents qui surviennent de temps à autre. Toutefois, Palera ne considère pas les Pokémon comme des armes. En réalité, assez peu de personnes possèdent des Pokémon dans le but de les entraîner au combat. Donc, malgré les incidents qui arrivent de temps à autre, il faut considérer qu’un Pokémon domestique palérien est en moyenne bien moins fort qu’un Pokémon domestique maestonien. » Les Pokémon domestiques étaient bien plus considérés comme des partenaires, des membres à part dans une famille, que comme des outils de combat. Les arènes n’existaient même pas à Palera, donnant encore moins de raisons aux habitants de s’affronter entre eux à l’aide de leurs Pokémon. Ainsi, les incidents de ce genre étaient en effet bien rares.

« Enfin, difficile de croire que votre Pokémon ferait du tort à qui que ce soit », conclut la tailleuse, avant de se pencher pour caresser la tête de Chrysanthème. Cette dernière piailla de surprise, puis gazouilla de bonheur avant de se blottir contre la jambe de la jeune femme. « En effet », sourit Gento, attendri. Malgré le rôle majeur qu’elle jouait auprès de son dresseur en tant que Pokémon médical, Chrysanthème était typiquement élevée selon la coutume palérienne. Il ne viendrait jamais à l’idée du diplomate de l’envoyer se battre, sauf si la situation était désespérée – comme elle l’avait été à Castra Nicia le 31 octobre. Il y avait peu de risques, au vu de la personnalité de la Ptiravi, qu’elle ne cause le moindre dégât, également.

Lorsqu’elle fut questionnée sur sa propre vision des Pokémon, la couturière réfléchit quelques instants en finissant de prendre les mesures, avant de répondre. « Pas grand-chose à vrai dire, avoua-t-elle en descendant de son tabouret pour noter ses mesures, je veux dire ce sont des êtres vivants, s’ils sont nos égaux ou non j’en sais rien. Mais ils méritent un certain respect. » La réponse était empreinte d’une sincérité évidente. Il était également évident que la mentalité maestonienne avait fait son œuvre, même si le point de vue de la jeune femme était beaucoup plus nuancé sur la question. « J’ai confiance en mes Pokémons, le reste m’intrigue, c’est tout », conclut-elle. Gento acquiesça. Il était toujours un peu difficile pour lui d’appréhender l’indifférence envers les Pokémon. Pourtant, il existait des personnes qui pensaient ainsi même à Palera. La République était loin d’être unilatérale dans son jugement, du fait des nombreuses nations qui la composaient à l’origine.

Le diplomate lança un petit regard en direction du Lougaroc, qui paressait toujours à l’arrière de la boutique. « A mes yeux, ils sont réellement nos égaux, admit-il, je perçois Chrysanthème comme faisant partie de ma propre famille. » La Ptiravi piailla joyeusement, comme pour appuyer les paroles de son dresseur. « Et je rejoins votre point de vue sur ce point : tous les Pokémon sont dignes d’une forme de respect. Comme les humains, finalement. » Tout comme les humains, certains Pokémon étaient bons ou mauvais, plus ou moins respectables. Mais il leur était due une certaine forme de dignité. Être considéré comme un objet, c’était proprement inacceptable pour Gento. Toutefois, il n’était pas celui qui pourrait changer la mentalité d’une nation entière, surtout en aussi peu de temps. Pour cela, il faisait davantage confiance à l’organisation de Genesis, qui agissais en ce sens.

« Bien, aurez-vous besoin d’autre chose pour ma commande ? » demanda-t-il, curieux.